70e anniversaire de l’OTAN : la fête est finie !
Alors que les projecteurs s’éteignent sur cette réunion tenue à Londres, que reste-t-il de l’OTAN ? Hormis une vidéo volée, où l’on croit comprendre que Boris Johnson, Justin Trudeau, les Premiers ministres anglais et canadien, et le Président Emmanuel Macron se moquent à voix basse de Donald Trump, non-événement repris en boucle par les médias, une autre question majeure demeure : que faire de l’OTAN ?
La Maison-Blanche aimerait s’en dégager mais sans y perdre sa tutelle, laquelle permet de faire acheter de force son matériel militaire à des alliés en forme d’affidés. L’Élysée voudrait s’y faire une meilleure place, profitant des actuelles instabilités anglaise et allemande. Une question en entraînant d’autres, se posent celles-ci : à quoi sert l’OTAN et quels sont ses objectifs politiques ? La réponse coule un peu de source : la principale utilité de ce pacte, vidé de sa substance depuis la disparition de l’URSS, permet évidemment aux USA de maintenir leur emprise sur l’Europe.
D’où cette étrange définition de l’OTAN, rapportée par Le Point : « Nous sommes 29 pays différents des deux côtés de l’Atlantique. » On ignorait la proximité de la Pologne ou des pays baltes de cet océan, surtout pour une organisation censée concerner l’Atlantique Nord… D’où, plus étranges encore, ces objectifs revendiqués, consistant à pointer du doigt le « défi » posé par la Chine et la « menace » incarnée par les « actions agressives » de la Russie.
Que la montée en puissance chinoise puisse être qualifiée de « défi », cela ne fait pas de doute ; mais il s’agit principalement d’un « défi » économique et commercial auquel on voit mal en quoi une réponse militaire de l’OTAN pourrait apporter un début de réponse, cette dernière relevant plus d’institutions telle que l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce.
Quant à la « menace » et aux « actions agressives » de la Russie, il y là aussi matière à perplexité. Si l’OTAN fait référence à la Géorgie et à l’Ukraine, il ne faudrait pas non plus négliger ce petit détail voulant que la riposte de Moscou n’ait été que réplique aux manipulations de Washington, capitale qui, en matière « d’actions agressives » et autres formes « d’ingérences », peut exciper d’une sorte de primauté, de Vietnam en Irak, d’Afghanistan en passant par l’ensemble de l’Amérique latine.
De son côté, la Turquie, dont le rôle plus que trouble était ici évoqué, le moins qu’on puisse prétendre est que le président Erdoğan tire assez bien son épingle du jeu, ayant quasiment réussi à faire avaliser la « condamnation du terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations » – ce qui lui laisse le champ libre pour continuer de mener sa vendetta contre les Kurdes. En échange, il a accepté « l’adoption de nouveaux plans régionaux pour la Baltique et la Pologne » ; soit ce dont Vladimir Poutine ne voulait pas, mais que Donald Trump exigeait avec l’énergie qu’on sait. Un double jeu efficace à court terme, mais qui pourrait aussi se révéler risqué à plus longue échéance…
Du côté du site Sputnik France, que d'aucuns disent organe plus ou moins officieux du Kremlin en nos contrées, ce pas de deux est minimisé, en interrogeant Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe, lequel explique : « Quelque part, le président turc a raison quand il dit qu’il ne faut pas simplement concentrer les forces de l’Alliance dans les pays baltes, mais prendre en compte les autres menaces qui guettent l’Alliance, comme les conflits hybrides. » On notera encore que, quelques mois auparavant, Recep Erdoğan préférait, en matière de missiles anti-aériens, se fournir en S-400 russes qu’en Patriot américains… Là, ce n’est plus du double mais du triple jeu !
De son côté, le Suédois Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, fait semblant de donner raison à Emmanuel Macron en constatant : « Compte tenu de l’évolution de l’environnement stratégique, nous mènerons un processus de réflexion prospective visant à renforcer encore la dimension politique de l’OTAN. » Voilà qui ne mange pas de pain. Donald Trump en est reparti tout mécontent, boudant la conférence de presse finale, tandis qu’Emmanuel Macron rentrait tout content, fort de cet hypothétique os à ronger.
Il est à craindre que la situation sociale française ne lui laisse peu le temps de savourer cette moitié de succès en demi-teinte.
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