Édouard Philippe : un juppéiste à Matignon

La nomination d’Édouard Philippe à Matignon ? Tout sauf une surprise. Son nom circulait depuis plusieurs jours. Le plus surprenant, c’est qu’il ait fallu attendre 14 h 53 pour que le secrétaire général de l’Élysée en fasse l’annonce, d’abord prévue dans la matinée, puis pour 14 h 30. Des twittos ont ressorti un vieux tweet dudit Édouard, daté du 13 janvier 2013, qui convenait bien à la circonstance : "Au ministère depuis 30 minutes… Et personne… Ou comment perdre son temps. #lapolitessecestpasmaintenant."

La politesse ne semble pas non plus être le fort du nouveau secrétaire général qui, loin d’excuser son retard devant les journalistes qui attendaient depuis des heures, a annoncé sur le perron de l’Élysée, dans une déclaration lapidaire de 11 secondes, la nomination du Premier ministre, puis a tourné le dos.

Le choix d’Emmanuel Macron n’a rien d’étonnant. Dimanche, il a nommé dans son Cabinet des personnalités de gauche. La nomination du député-maire du Havre, proche d’Alain Juppé, qu’il a soutenu lors de la primaire, constitue le pendant à droite. Il espère ainsi briser l’union du parti LR, à moins d’un mois des élections législatives.

Des noms circulent déjà, qui pourraient faire partie du prochain gouvernement : Benoist Apparu, Frank Riester, Pierre-Yves Bournazel – qui, entre nous soit dit, ne sont pas les personnalités les plus marquantes du LR. De plus belles prises pourraient être Bruno Le Maire ou, pour l’UDI, Jean-Louis Borloo. D’autres seraient sans doute tentés de suivre cette voie : leur problème, c’est de rallier Emmanuel Macron sans avoir trop l’air de trahir. Les traîtres revendiquent rarement leur trahison. Ils la parent des plus beaux atours.

Mais le terme de "trahison" est-il approprié ? Édouard Philippe a fait son apprentissage politique au Parti socialiste, chez les rocardiens. Puis il a rejoint Alain Juppé : "C'est Rocard qui avait largement conditionné mon intérêt pour la vie politique", confiait-il au Point en juin 2016. Quant à Juppé, c’est celui qui "incarne le mieux ce que doit être un responsable politique et un président". Après la défaite de Juppé, il a réintégré l’équipe de François Fillon pour mieux le lâcher en route.

Tout de suite après l’annonce de sa nomination, Bernard Accoyer s’est (naïvement ?) demandé si "ce Premier ministre [soutiendrait] les candidats En Marche ou bien ceux de sa famille politique", ajoutant qu’"il n’est pas question d’exclusion".

Voilà qui devrait faire réfléchir les candidats LR qui pensent encore que la droite et la gauche, ce n’est pas la même chose. Et, surtout, les électeurs de droite qui en ont assez d’être bernés par des combinaisons politiciennes où l’intérêt personnel étouffe toute conviction.

On connaîtra, demain, la liste des ministres. Mais la nomination du Premier d’entre eux montre déjà, s’il en était besoin, combien l’opposition entre la droite et la gauche qui se disaient « de gouvernement » est factice. Elles font la même politique, à quelques nuances près. La seule différence, c’est qu’elles se disputent pour avoir les places !

Il paraît que pour garder son self-control, Édouard Philippe pratique régulièrement la boxe. Selon Le Figaro, Manuel Valls avait fait installer une salle à Matignon. Il pourra donc s’entraîner. Nous apprendrons, dans les prochains jours, si quelque personnalité LR a assez de courage pour monter sur le ring et lui dire ses quatre vérités.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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