Après sa défaite, le FN peut-il reprendre la main ?

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Pour un parti populiste, de droite ou de gauche, il y a deux élections où un succès peut servir à quelque chose. Ce sont les élections municipales et les élections législatives. Les premières donnent une légitimité locale, les secondes donnent l’occasion d’apprendre à travailler sérieusement les textes de lois, tout en donnant des moyens matériels au travail politique.

Dans le cas du Front national, l’expérience montre que son recul aux législatives est d’autant plus grand quand le FN est présent au second tour des présidentielles. Ce phénomène est bien sûr lié à la concomitance des deux élections, présidentielles et législatives, depuis l’instauration du quinquennat en 1999.

Bilan : aux législatives de 2017, le FN réalise seulement 1 point de mieux qu’aux législatives de 1993, où il était à 12,5 % (le sommet du FN étant les 15 % de 1997). En un quart de siècle, c’est une quasi-stagnation. Comparons avec le PCF, créé en 1920 et devenu un très grand parti dés 1936, comparons avec le nouveau PS d’Épinay conquérant le pouvoir en 1981, 12 ans seulement après sa création, et après les 5 % de Gaston Deferre à la présidentielle de 1969.

De ce point de vue, l’échec du FN est patent. Et la dédiabolisation n’y a pas changé grand-chose, pour nécessaire qu’ait été l’abandon d’un style un peu trop viril dans une époque féminine.

Qu’est ce qui bloque l’ascension du Front national ? Qu’est-ce qui fait que, malgré le sentiment d’abandon des classes populaires, il ne dépasse quasiment nulle part, sur le territoire national, les 50 % au cours d’une élection législative ? Une des hypothèses est que les classes populaires ne suffisent pas. Il faudrait l’alliance de la bourgeoisie conservatrice. Voire. Celle-ci s’est ralliée à Macron, comme Henri Guaino l’a bien vu. Mais il est vrai que les classes populaires ne suffisent pas. Il faut une partie importante des classes moyennes pour gagner.

Il faut surtout ne pas se faire une idée caricaturale des classes populaires. On peut discuter à l’infini de ce que la France aurait gagné à ne pas prendre l’euro comme monnaie. Mais faire croire que sortir de l’euro amènerait une période de plein emploi et de prospérité ne convainc personne, et pas plus les classes populaires que les autres.
Le problème auquel est confronté le Front national est le suivant : la tentation sera grande, dans ce parti, de mettre en cause l’obsession de la sortie de l’euro dans sa défaite, énorme, même si Marine Le Pen conserve une chance d’être élue, et certainement elle seule.

Mais l’abandon de la doctrine de la sortie obligatoire de l’euro sera-t–elle ou non accompagnée par l’abandon du « virage social » du FN ? C’est la question. Or, à l’évidence, la « fin du social-lepénisme », hier Samuel Maréchal, aujourd’hui Philippot, c’est ce que souhaitent certains dirigeants frontistes. Or, si la ligne Philippot mériterait d’être affinée, l’État stratège, c’est-à-dire dirigiste, le refus du libéralisme, la mise en avant de propositions sociales pour les travailleurs les plus mal payés, la retraite à 60 ans sous condition (on l’oublie un peu trop) de 40 annuités sont des éléments qui, s’ils étaient abandonnés, changeraient l’identité même du FN depuis les « années Marine », mais aussi depuis les années 1990 et l’apparition du « gaucho-lepénisme » (Pascal Perrineau), c’est-à-dire depuis que le FN a cessé d’être exactement un parti d’extrême droite pour devenir un parti populiste.

Les classes populaires s’éloigneraient du FN pour aller vers l’abstention (beaucoup) ou vers La France Insoumise de Mélenchon (un peu). La question est donc de savoir si le FN prendra en compte la complexité des questions européennes, le fait que la France ne fera rien de sérieux dans le monde sans l’Allemagne, le sentiment très pro-européen des Français, sans pour autant se rallier au libéralisme, dans une course à l’économiquement correct dans laquelle Macron – ou n’importe quel mondialiste doué de talent – aura toujours une longueur d’avance.

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Pierre Le Vigan
Écrivain, journaliste, juriste

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