Silence dans les rangs, je suis votre chef…

Silence dans les rangs, je suis votre chef…

"Je suis votre chef." C'est ce qu’a rappelé Emmanuel Macron aux militaires le 13 juillet au soir, lors du traditionnel cocktail dans les jardins de l’hôtel de Brienne, résidence du ministre des Armées. Comme si un seul militaire pouvait en douter un seul instant !

Le portrait du chef de l’État, chef des armées, ne trône-t-il pas dans les bureaux des commandants de régiments, de bateaux et de bases aériennes ? Ces chefs de corps ne reçoivent-ils pas leur commandement "de par le président de la République", formule antique héritée de notre monarchie. Le fanion de la voiture du Président n’est-il pas cravaté de blanc, symbole du commandement suprême, ce fameux panache blanc d’Henri IV, cette couleur blanche qui est aussi celle des culottes des cavaliers de la Garde, lorsqu’ils rendent les honneurs au chef de l’État ? Les étendards et drapeaux ne s’inclinent-ils pas au passage du Président ? Le palais de l’Élysée n’est-il pas aussi une caserne dans laquelle le chef des armées travaille, décide, réside (pas toujours), entouré, protégé par la Garde, comme un très lointain héritage de ces rois francs, hissés sur le pavois par leurs guerriers, au fond de la forêt germanique, et dont le palais se résumait à une hutte sommaire ?

"Je suis votre chef" : une phrase de trop et qui évoque ces propos lorsque la virilité fait son apprentissage dans les cours de récréation : « C’est moi le chef ! »

Ainsi donc, Emmanuel Macron a voulu répliquer aux déclarations du chef d’état-major des armées, le général de Villiers, au sujet de la coupe sèche dans le budget de la Défense. Une réplique cinglante, immédiate, à l’occasion d’un cocktail où, en général, il est de tradition de ne dire que des choses qui plaisent. "J’aime le sens du devoir. J’aime le sens de la réserve qui a tenu nos armées où elles sont aujourd’hui", a déclaré Emmanuel Macron. Sous-entendu : le général de Villiers ne serait pas un homme de devoir ? On pourra, peut-être, apprécier le ton quasi militaire. Le chef d’état-major des armées pousse un coup de gueule ; eh bien, le chef des armées donne un coup de menton ! L’humiliation comme mode de commandement ? Pas certain que ça passe très bien chez les militaires.

Mais au-delà des postures, la question – la seule question qui vaille – est de savoir si cette coupe sèche met en péril la sécurité de la France. Évidemment oui, si l’on se place dans le temps qui doit être celui d’un chef de l’État, c’est-à-dire celui du long terme, et non celui de la petite semaine. C’est le sens du coup de gueule du général de Villiers qu’il n’a pas lancé n’importe où, contrairement à ce que laisse entendre le Président Macron en déclarant : "Je considère qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique." Car c’est devant les membres de la représentation nationale – en l’occurrence la commission de la Défense – que le général de Villiers s’est exprimé, comme son devoir le lui commande en tant que haut responsable militaire. Doit-on en déduire qu’il aurait été digne que le général de Villiers mente devant la représentation nationale pour plaire au prince ? À noter que le président (LREM) de la commission de la Défense, Jean-Jacques Bridey, a déclaré qu’il regrettait le choix du Président d’imposer cette coupe de 850 millions dans le budget de la Défense. Si les godillots de l’Assemblée se joignent aux brodequins des armées…

Le chef d’état-major des armées est un « technicien » de la défense. Son devoir est de dire si les moyens qui sont alloués aux armées sont suffisants pour assurer la sécurité de la France, non seulement aujourd’hui, mais demain. Le devoir du chef de l’État est de donner ces moyens aux armées.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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