Les ciseaux d’Anastasie traquent les croix partout

Des statues sont abattues, des rues débaptisées et une liquidation plus radicale encore est réclamée par certains – consultez M. Tin pour plus de précisions. Toujours dans le même sens, d’ailleurs. Comme les sites mal-pensants se plaisent à le souligner, les vaches sacrées de la Révolution comme Robespierre, pour ne pas citer Thureau, les figures emblématiques des partis et régimes communistes restent généralement indemnes des accusations de racisme, esclavagisme, suprémacisme...

Et puis, il y a les intellectuels encore protégés du système, en France Jules Ferry, Victor Hugo, Voltaire et Diderot, et tous ceux dont on oublie les déclarations gênantes. Alors que Christophe Colomb est menacé parce qu’en découvrant l’Amérique, il préparait l’extermination des peuples autochtones, aux mœurs et religions si pacifiques, nul ne suggère de débaptiser Gibraltar, du nom du Berbère Tarik, qui ouvrit l’Espagne à l’invasion musulmane. Et personne ne songe à demander qu’Istamboul redevienne Constantinople pour effacer la conquête turque. À propos, l’Amérique a reçu son nom d’un affreux explorateur, Amerigo Vespucci ; encore un Italien. Qu’attend-on pour en tirer les conséquences ?

Les Romains parlaient de damnatio memoriae : suppression du Columbus Day aux États-Unis, déprogrammation d’Autant en emporte le vent. Elle se manifeste comme en URSS, comme dans l’Allemagne nazie, comme dans la Chine de Mao pendant la révolution dite « culturelle » par antiphrase. Certes, nous savons – devrions savoir -, pour l’avoir lu chez Huxley et Orwell, qui avaient tout compris et dit, mais devant les faits, il en est encore qui, de bonne foi et de « mauvais sens » (contraire du bon sens), nient ou justifient. Le caviardage des livres ne saurait tarder et celui des images a commencé : ainsi, à Stockholm et à Londres au King’s College, des portraits de professeurs ou des fondateurs dans le second cas sont ôtés pour ne pas heurter les minorités ethniques et pour faire place à la diversité. Et encore ne nous arrêtons-nous pas aux folies des établissements nord-américains en matière de satisfactions offertes aux différentes communautés – sauf la blanche, naturellement ! Il est temps de relire Bradbury et son Fahrenheit 451.

L’Europe fait de gros efforts de rattrapage. Ainsi ces deux nouvelles dont la première est bien documentée et dont j’aimerais bien que la seconde fût un bobard (plus français que fake) :

- Chez Lidl, sur les produits d’une marque réputée grecque, des églises photographiées à Santorin (image bien connue) ont perdu les croix qui les surmontent, et sur plusieurs emballages de yoghourt grec, même précaution ou même sacrilège. La chaîne allemande interpellée se justifie ainsi : "Nous évitons l'utilisation de symboles religieux car nous ne souhaitons exclure aucune croyance religieuse […] Nous sommes une entreprise qui respecte la diversité et c'est ce qui explique la conception de cet emballage." Mais quand ils proposent du halal, ils n’utilisent pas de symboles religieux ?

- Et puis ceci : la cantatrice, interprète d’un des personnages de l’opéra de Rossini, Le Voyage à Reims, qui sera donné à Barcelone en septembre, aurait révélé que, dans le livret, le mot « croix » était remplacé par « amour » : "Comme sur le Tibre et à Solima, héraut de la victoire, symbole de paix et de gloire, l’amour resplendira."

On peut arguer que croix et amour sont synonymes pour les chrétiens, mais est-ce vraiment le souci exégétique qui se manifeste ici ?

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Olga Le Roux
Professeur

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