En Guyane, Emmanuel Macron a encore parlé juste

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Je suis naturellement porté à revenir sur les polémiques incessantes, à mon sens aberrantes, qui suivent en quelque sorte le président de la République à chacun de ses déplacements, le dernier en Guyane.

Ce n'est pas l'inconditionnalité politique qui me gouverne avec les analyses que je tente et qui se répètent mais, pour une fois, une sorte d'exaspération face à l'incompréhension souvent obtuse de ceux qui s'obstinent à plaquer sur une démarche de vérité et de sincérité la grille traditionnelle du conformisme et de l'hypocrisie.

Il me semble qu'on ne parvient pas à mesurer le saut qu'Emmanuel Macron, par ses saillies, ses provocations calculées, ses évidences brutes, fait accomplir, sur le plan du verbe et du rapport avec les citoyens, à notre démocratie.

Il propose une République des mots justes contre une démagogie des mots doux.

Encore faudrait-il, pour pouvoir apprécier cette volte bienfaisante, ne pas tronquer ce qu'il dit. Le Président, en Guyane, a déclaré "Je ne suis pas le père Noël parce que les Guyanais ne sont pas des enfants" et, dans la plupart des comptes rendus, on a insisté sur la première partie du propos, qui au demeurant n'avait rien de scandaleux. On a occulté la seconde, qui justifie cette volonté de vérité par le fait que, précisément, les Guyanais ne sont pas "des enfants" mais des citoyens. Loin, donc, de mépriser par ses mots, le Président respecte. Les Guyanais n'auraient pas été traités dignement si le chef de l'État leur avait offert autre chose que ce propos d'adulte adressé à des adultes.

Dans la même veine, Emmanuel Macron, dont le courage n'est pas la moindre qualité - le 27, il s'est rendu, par exemple, dans le quartier dit difficile de la Crique à Cayenne -, énonce cette roide affirmation que "la République ne cède pas aux gens qui sont en cagoule".

On me rétorquera que ce n'est pas nouveau dans la bouche de nos Présidents mais, pourtant, je maintiens mon point de vue. Ce n'est pas la même chose d'user d'un vocabulaire formellement rude mais en réalité inoffensif parce qu'il ne concerne rien d'essentiel, ou de porter, comme Emmanuel Macron, "la parole dans la plaie" sur des sujets qui affectent profondément la conception qu'on a du pouvoir, de sa relation avec ses concitoyens et de l'autorité de l'État.

Il me semble que la brutalité orale qu'on reproche parfois au Président n'est que le refus absolu d'une langue de bois qui a fait trop de mal à notre pays.

Qui peut, de bonne foi, ne pas approuver, avec un authentique enthousiasme civique, sa semonce - refoulée depuis tant d'années par tant de Présidents et de ministres insoucieux de leur allure et de celle de la France qu'ils représentaient - récusant par principe le dialogue avec "des cagoulés" ?

Sur un plan général, ne serait-il pas temps de mettre fin à une tendance - et le gouvernement, dans certains de ses projets, n'est lui-même pas à l'abri de cette dérive - qui constitue la société comme une immense faiblesse, les citoyens pour des fétus fragilisés par le moindre mot, les journalistes pour des susceptibilités écorchées par la moindre appréciation négative, les hommes pour des prédateurs en action ou en puissance, les femmes pour des victimes forcément impuissantes, la France pour un pays dressé sur ses ergots mais soufflé au moindre vent ?

Le Président - c'est un constat, non une idolâtrie - ouvre la porte à une République des mots justes, la ferme à la démagogie des mots doux.

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Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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