Affaire Merah : un procès décevant !
Le procès au long cours contre les "complices" de Mohammed Merah, à savoir son frère Abdelkader et Fettah Malki, a conduit à cinq semaines de débat devant la cour d'assises spéciale de Paris. Le jugement rendu a été équilibré puisqu'il a reconnu la participation des deux accusés à une association de malfaiteurs en relation avec le terrorisme, mais non leur complicité dans les assassinats.
Le parquet général a fait appel d'une décision trop clémente aux yeux de beaucoup. Mais cette affaire révèle plusieurs contradictions qui minent sourdement notre société.
La première se situe au cœur même de la Justice : cette cour d'assises spéciale chargée de juger des complices de Merah ne comprend que des magistrats professionnels non spécialistes du terrorisme. La menace qui pesait sur le jury populaire en 1986 dans une affaire semblable l’avait conduit à renoncer de siéger.
C’est parce que l'État est incapable de protéger ses citoyens contre les criminels que des juges se sont substitués au peuple. Sans doute a-t-on perdu par là le sens profond de la justice qui dépasse largement les préoccupations techniques des professionnels du droit. Le droit n'est pas une idole, mais un outil pour viser un but plus élevé : le maintien de la cohésion sociale.
Pour Émile Durkheim, auteur de "De la division du travail social", "un acte est criminel quand il blesse la conscience collective".
En l'occurrence, la blessure provoquée à la conscience collective par le meurtre de trois soldats français, d'un enseignant et de trois enfants dans une école juive revêtait une gravité inégalée. Prétendre qu'il faut juger en raison, techniquement, c'est affaiblir un peu plus la confiance dans la justice.
Lorsque le caractère spectaculaire du procès conclut à une condamnation nuancée, ni la justice ni la conscience collective ne sont satisfaites. Seuls les juristes le sont. La blessure sociale n'a fait que s'agrandir : dans quelques années, celui qui a nourri la passion antifrançaise de son frère sera libre. Le seul survivant des attentats sera toujours tétraplégique.
En second lieu, ces assassinats vieux de cinq ans et demi dévoilent aussi une évolution préoccupante de la France. Parmi les quatre militaires visés, il y avait deux musulmans : Imad Ibn Ziaten et Mohamed Legouad. Le troisième, Abel Chennouf, est un catholique d'origine kabyle, "d'apparence musulmane", avait osé Sarkozy, avant que Hollande ne le convertît par erreur lors d'un dîner du CRIF. Loïc Liber, paralysé à vie, est un Noir guadeloupéen. Enfin, les victimes de l'école Ozar Hatorah, les trois membres de la famille Sandler et la petite Yaacov Monsonego, étaient juives.
Leur assassin vivait en France avec sa famille, mais cette dernière, à une exception près, nourrit à l'encontre de notre pays une haine profonde, plus ou moins enveloppée dans un islamisme hostile. Doit-on accepter que des immigrés, de première ou de seconde génération, qui bénéficient des avantages liés à leur présence dans notre pays, qui possèdent le plus souvent la double nationalité, soient en fait des ennemis acharnés de l'intérieur ?
À cet égard, le spectacle judiciaire a atteint le niveau d'une tragédie classique en dressant face à face les deux mères, celle de l'assassin qui paraît haineuse, perfide et dissimulatrice, prête à tout pour protéger son accusé de fils, et madame Latifa Ibn Ziaten, la maman de la première victime, d'une dignité si parfaite qu'il faudrait l'inventer si elle n'existait pas. Musulmane, sans excès, son voile discret ressemble effectivement à celui de nos grands-mères en deuil. Peut-on parler d'assimilation ? Elle demeure pourtant profondément marocaine en même temps qu'elle est française.
Sans doute la voie qu'elle incarne soulève-t-elle l'espoir, mais on ne peut éviter deux questions : n'est-elle pas une exception ? Même en la félicitant pour ce qu'elle fait, et en l'écoutant lorsqu'elle conseille à la France d'être moins naïve, on peut néanmoins se demander ce que feraient cette femme et sa famille, qui ont deux allégeances, si un conflit opposait ces dernières.
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