Livres/Patrick Pesnot, Le Génie du faux, La Passion Vermeer

Quel fabuleux destin que celui du Hollandais Han van Meegeren (1889-1947), qui a réussi à tromper tout son monde. Est-ce parce que son père, tyrannique, pétri d’ordre et de religion, souhaitait qu’il suivît ses traces dans l’enseignement, ou qu’il embrassât la prêtrise et surtout qu’il ne devînt pas artiste ? Or, le jeune Han a tôt fait de montrer ses talents de dessinateur et sa passion débordante pour l’un des plus grands peintres du monde : Johannes Vermeer de Delft. Cornaqué et canalisé par son professeur, Bartus Korteling, il approfondit le culte qu’il voue au grand maître hollandais, en intégrant une école d’architecture, avec l’accord et l’argent de son père.

Cette école constitue le paravent idéal pour exercer ses talents sur la planche à dessin. Si les études sont un fiasco, il se voit remettre la médaille d’or de l’école des beaux-arts pour sa décoration de l’église Saint-Laurent de Rotterdam. Il intègre alors l’Académie des beaux-arts alors que la Première Guerre mondiale éclate. En couple avec Anna de Voogt, enceinte de ses œuvres et qui a quelques entrées dans le monde des artistes et de la bonne société néerlandaise, il fait une copie, sur toile, de l’intérieur de l’église Saint-Laurent. Puis son talent, reconnu par la critique et la vente de nombreuses toiles, emporte loin ses premières années difficiles sur le plan pécuniaire. C’est le début de l’aventure. Elle le conduit à synthétiser à la fois sa passion immodérée de Vermeer et son imagination débordante. Non content de peindre Vermeer, il le devient. Mieux : il l’incarne au point de dépasser le maître quand les plus grands spécialistes, comme le Dr Hofstede de Groot et le Dr Abraham Bredius, viennent authentifier la copie du faussaire !

Avec beaucoup de talent et un sens aiguisé du suspense, le journaliste et chroniqueur Patrick Pesnot narre la trépidante vie de cet inconnu au destin hors normes qui a su se jouer des meilleurs et des pires. N’a-t-il pas réussi à faire vendre au maréchal Göring, collectionneur autoproclamé « averti » mais véritable pilleur d’art, son Christ et la parabole de la femme adultère ? C’est d’ailleurs cette vente qui lui vaut des déboires à la Libération, de passer en jugement en 1947 et d’y créer, pour les besoins de la cause, sa dernière œuvre, Jésus parmi les docteurs. Les juges, ses geôliers et le public sont littéralement bluffés par cet artiste qui, la santé chancelante, parvient à quitter la scène sur une ultime victoire : celle du talent.

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