Peut-on se passer de Bachar el-Assad pour rétablir la paix en Syrie ?
Le président syrien Bachar el-Assad, accusé par Paris de faire obstruction aux pourparlers de Genève, accuse à son tour la France d’avoir « soutenu le terrorisme », précisant que « celui qui soutient le terrorisme n'a pas le droit de parler de paix et n'a même pas le droit de s'ingérer dans les affaires syriennes ».
Ce n’est pas la première fois qu’il tient un tel discours. Depuis le début du conflit, à plusieurs reprises, il a reproché au gouvernement d’avoir apporté son soutien aux rebelles. Qu’en est-il exactement ?
Il est difficile d’avoir un jugement impartial sur cette guerre qui a fait plus de 300.000 morts, entraîné l’exode de millions de réfugiés, et qui implique, directement ou indirectement, de nombreux pays, dont les grandes puissances internationales. Essayons donc de nous limiter aux faits incontestables.
La France a bien livré des armes offensives létales aux rebelles syriens, dès 2012, en dépit de l’embargo européen. François Hollande lui-même l’a confirmé dans un entretien avec Xavier Panon, l'auteur de l’ouvrage intitulé Dans les coulisses de la diplomatie française. Le gouvernement français se serait assuré qu’elles iraient « dans des mains sûres ». Bref, il aurait vendu des armes aux rebelles « modérés », épithète qui, en temps de guerre, est très relatif.
À supposer qu’aucune de ces armes ne soit parvenue à des groupes de l’État islamique, la France a objectivement aidé des troupes opposées au régime de Bachar el-Assad, contribuant ainsi à la perte de nombreux territoires passés sous le contrôle de rebelles plus ou moins « modérés ». On ne pouvait pas s’attendre à ce que le président syrien en remercie le gouvernement français.
La France a entretenu et continue d’entretenir des relations cordiales avec des pays du Proche-Orient qui soutiennent, plus ou moins directement, des groupes terroristes. Elle a parfois signé avec eux des contrats d’armement. La vente d’armes n’est pas une simple affaire commerciale. Le vendeur ne peut se laver les mains de l’utilisation qui en est faite.
Le gouvernement et la plupart des médias ont choisi d’imposer, sans nuances, une vision manichéenne de la situation syrienne : d’un côté, le boucher de son peuple – comme si les massacres étaient le seul fait du régime en place. De l’autre, des rebelles, dont on oublie complaisamment les accointances, au moins ponctuelles, avec l’État islamique.
La réponse du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, n’est ni à la hauteur des enjeux, ni de nature à favoriser le dialogue nécessaire avec Bachar el-Assad pour tenter de redresser la Syrie et d’établir une paix durable dans la région. « Quand on a passé son temps à massacrer son peuple, on a généralement un peu plus de discrétion », a-t-il commenté. Et, comme pour humilier davantage le président syrien, il a cru devoir ajouter : « Bachar el-Assad ne semble pas vraiment en situation de pouvoir affirmer une prise de position politique tant qu'il est dépendant de la Russie et de l'Iran. »
Jean-Yves Le Drian est peut-être un bon marchand d’armes, mais sa politique étrangère – dont on suppose qu’elle traduit la volonté de ses présidents successifs – laisse pour le moins à désirer. Le rôle de la France devrait être de se mettre au service de la paix dans cette région du monde. Ce n’est pas en attisant les ressentiments qu’elle y parviendra. Les exemples de l’Irak et de la Libye devraient pourtant lui apprendre qu’un régime autoritaire est parfois préférable à l’anarchie et à la rivalité entre islamistes de différentes obédiences.
La diplomatie ne se fait pas avec de bons sentiments, surtout quand ces bons sentiments ne sont pas dénués d’arrière-pensées. Dans la conjoncture actuelle, la paix en Syrie ne peut pas être rétablie sans un dialogue constructif avec Bachar el-Assad. C’est ensuite au peuple syrien qu’il appartiendra de décider s’il veut ou non le garder au pouvoir.
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