Françaises, Français, bonne année !
"Tout est dit et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes qui pensent." Tout le monde connaît cette phrase de La Bruyère et c’est peut-être ce que se dit le Président en mettant la touche finale à son discours de vœux du 31 décembre. La Bruyère précisait sa pensée : "Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d’entre les modernes." Et le Président pourrait avoir l'idée d'aller glaner après les discours de ses prédécesseurs, du moins chez les plus anciens ou les plus habiles.
Les vœux du Président sont un rite. Au moment où j’écris ces lignes, certains médias évoquent la possibilité que le Président puisse prononcer ses vœux ailleurs qu’à l’Élysée. Histoire d'innover. Mais faut-il vraiment chercher l’originalité ? La force des rites n’est-elle pas, justement, dans cet éternel recommencement, dans cette répétition à l’identique ? Au reste, sur un tout autre registre, le massacre de la liturgie catholique n'en est-elle pas une démonstration par l’absurde ? On se souvient que Giscard avait voulu innover en 1976 en demandant à sa femme – la pauvre ! - de dire quelques mots. Ce fut un bide. On imagine donc mal Emmanuel Macron s’inspirer de cette mésaventure – ce serait, en tout cas, de belles étrennes pour Jean-Luc Mélenchon ! -, même si son épouse est certainement plus délurée en matière de communication que Mme Giscard d’Estaing ne l’était à l’époque.
"Tout est dit", donc. Alors, le Président s’est-il amusé à remonter le temps en visionnant les vœux de ses prédécesseurs pour préparer ses premiers vœux aux Françaises et aux Français ? Nous l’avons fait. À grandes enjambées pour nous arrêter à 1967. Il y a un demi-siècle.
Les vœux du général de Gaulle pour 1968, prononcés le 31 décembre 1967, ne manquent en effet pas de saveur aujourd’hui. "Que sera 1968 ? L’avenir n’appartient pas aux hommes et je ne le prédis pas. Pourtant en considérant la façon dont les choses se présentent, c’est vraiment avec confiance que j’envisage les douze prochains mois, l’existence de notre pays." De Gaulle, qui croyait à la tragédie de l’Histoire et semblait, d’une certaine façon, regretter les tempêtes et les temps agités, poursuivait : « Les vers de Verlaine, “Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là, simple et tranquille”, peuvent évoquer une paisible demeure, non pas un grand peuple en marche. Je crois cependant qu’au total, à moins de grave secousse qui bouleverserait l’univers, notre situation continuera de progresser et que tout le monde y trouvera son compte."
Même quand les choses se présentent bien, que "la France s’ennuie...", que "le général s’ennuie", lui aussi, comme l’écrira Pierre Viansson-Ponté trois mois plus tard dans Le Monde, les choses peuvent se présenter sous un jour inimaginable, ou que l’on ne veut pas imaginer… Le bouleversement ne vint pas d’une secousse de l’univers mais de l’Université. Du Quartier latin !
Quel sera le destin du "grand peuple en marche" durant la nouvelle année ? Le général de Gaulle l'ignorait en son temps. On imagine qu'il en est de même pour Emmanuel Macron.
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