Nezzar : des écarts aux éléments de langage

Le jeune homme présente bien dans son costume bleu-noir taillé pour ceux à qui tout réussit. Pour l’instant. 27 ans, diplômé de Panthéon-Sorbonne, Science Po, l’ENA, ce "spécialiste des questions économiques et sociales" enseigne déjà à Paris-Dauphine. Si les petits cochons ne le mangent pas, on doit pouvoir en faire un secrétaire d’État à peu près potable, et ce, avant qu’il souffle ses trente bougies.

L’homme fait preuve, déjà, d’une belle maturité. Ne déclare-t-il pas, sur le site de La République en marche, qu’il est "attaché aux vertus d’une démarche pédagogique pour renouer les liens entre société civile et action politique" ? C’est beau. Autant vous dire que le gars parle couramment le Macron. Visionnez cette vidéo de propagande de LREM où on le voit expliquer, sourire aux lèvres, les bienfaits de la loi de finance votée en décembre 2017 par le synode évangéliste du palais Bourbon. Même le retraité à qui on fait les poches a envie d’y croire. À une autre époque, et s’il n’avait pas fait énarque, notre Nezzar aurait pu faire marchand de cravates, d’encyclopédies et, pourquoi pas, de tapis.

Et puis, il y a eu l’accident technologique, comme notre ami Yannick Chauvin l’a fort bien expliqué dans ces colonnes : la découverte de la collection de tweets injurieux du de cujus. Il devait ignorer qu’il est plus facile de faire disparaître un cadavre d’un quintal dans un chaudron d’acide que d’effacer un gazouillis balancé dans la galaxie du Net. On ne peut pas tout savoir. On ne vous répétera pas, ici, la kyrielle d’injures publiques proférées à l’encontre de politiques ou de journalistes. L’homme n’a visiblement pas été élevé à Buckingham Palace. Même ce brave Bruno Le Maire - un homme pourtant si bien élevé - y a eu droit ! Il est vrai que c’était avant...

C’était avant. C’est, d’ailleurs, l’excuse – pardonnez cet écart de langage passager – foireuse du fringant économiste, expédiée, comme il se doit, par tweet. "J’ai tenu des propos irréfléchis quand j’étais étudiant..." On dirait Gérard Longuet évoquant son passé d’extrême droite, cinquante ans après. Sauf que, dans le cas de Nezzar, ça ne remonte pas aux croisades mais en 2013. Il avait donc 22 ans. Moi qui croyais qu’à l’université, on apprenait à réfléchir justement. Heureusement qu’à 22 ans, il y a des jeunes Français qui réfléchissent et agissent en responsabilité… Donc, en gros, c’est pas moi, m’sieur, c’est le Nezzar d’avant. Avant que la savonnette à vilains fasse de moi un autre homme, un petit marquis de la République. Plus d’écarts mais des éléments de langage. Et puis, surtout, c’était avant que je Le rencontre. Le chemin de Damas, c’est pas fait pour les chiens.

Ces explications données, M. Nezzar poursuit par des excuses tout aussi foireuses : "Je les [ces propos] regrette bien évidemment et présente toutes mes excuses pour ces mots qui ont pu choquer." Lisez bien, il ne demande pas pardon. Il présente toutes ses excuses. Lesquelles ? À qui ? À mesdames Le Pen, Pécresse, à messieurs Copé, Le Maire, Juppé ? Non. Pas besoin d'avoir appris par cœur les manuels des baronnes Staffe ou de Rothschild pour savoir qu’on demande de bien vouloir être excusé. Vous noterez, aussi, l’espèce de relativisation des faits : "Ces mots qui ont pu choquer." Morveux mais pas vraiment honteux.

Je sais à qui cette personne - qui, en d’autres temps, aurait sans doute été taxée de paltoquet par les offensés – devrait demander pardon. Pas aux politiques et journalistes insultés. Ils ont le cuir tanné. Non, à sa famille. Enfin, c’est comme ça que je vois les choses. Car j’aurais honte si l’un de mes enfants s’était comporté ainsi.

Le plus honteux encore, dans cette affaire, c’est que le ministre Pénicaud, qui pourrait être sa mère, l’excuse. On a envie de dire à tous ces gens : mouche ton nez et dis bonjour à la dame.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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