Cinéma / L’Insulte : un plaidoyer pour la paix au Liban qui, pour une fois, sonne juste !
Immigré palestinien au Liban et contremaître, Yasser Salamé effectue avec son équipe des travaux dans un quartier chrétien de Beyrouth où réside Toni Hannah, modeste garagiste. Lorsque Yasser prend l’initiative de réparer la gouttière de Toni, celui-ci, fou de rage, la brise aussitôt à coups de marteau. S’ensuit alors un échange d’insultes qui pousse le patron de Yasser à exiger de son employé de s’excuser auprès de Toni. Ce à quoi le Palestinien est prêt à consentir mais, peu arrangeant, le chrétien se laisse à nouveau emporter par la colère et lâche malencontreusement cette phrase à Yasser : "Ariel Sharon aurait dû tous vous exterminer !" Ni une ni deux, l’ouvrier se retourne, frappe Toni et lui brise deux côtes. Une plainte est enregistrée et l’affaire se retrouve devant les tribunaux avant d’enflammer l’opinion publique et l’ensemble de la classe médiatico-politique.
Connu en France pour avoir réalisé la majeure partie de la série Baron noir diffusée sur Canal+, le cinéaste sunnite Ziad Doueiri tourne dans son pays d’origine un film de procès mettant en lumière les antagonismes qui fermentent au Liban depuis un demi-siècle alors que chaque communauté campe sur ses certitudes alimentées, de part et d’autre, de douloureux souvenirs.
Prenant d’abord la défense du Palestinien, calme et relativement diplomate, L’Insulte s’attache plus longuement, par la suite, à réhabiliter le chrétien en révélant au spectateur son histoire personnelle et le massacre dont il fut témoin durant son enfance lorsqu’en 1976, la petite ville chrétienne de Damour fut attaquée par les milices de l’OLP, faisant alors 582 victimes.
"Qui cherche la vérité de l’homme doit s’emparer de sa douleur", écrivait Bernanos dans La Joie. Avec L’Insulte, Ziad Doueiri ne dit pas autre chose et, à défaut de viser une espèce d’œcuménisme interconfessionnel aussi illusoire que naïf, tente de favoriser la compréhension entre deux personnages convaincus de la légitimité de leurs positions respectives et essentialisant chacun leur adversaire : « Vous, les Palestiniens », « Vous, les chrétiens »… L’enjeu du film, en tant que plaidoyer pour la paix, n’a rien de très original, mais défendu par une brochette d’acteurs plus talentueux les uns que les autres – on pense en particulier à Kamel El Basha, Adel Karam, et Camille Salameh – ainsi que par une mise en scène rythmée sans aucun temps mort, L’Insulte se révèle un drame de bonne facture. Restent quelques invraisemblances à la symbolique un peu lourdingue, telle que la parenté des avocats des deux parties. Mais, à la rigueur, cet élément du film n’étant qu’à peine traité, cela n’a rien de bien gênant.
Enfin, soulignons l’optimisme vain – mais compréhensible de la part du réalisateur – de la résolution finale dont l’espoir de fraternité relève manifestement du vœu pieux. Si un cinéaste quelconque éprouve le besoin de faire un tel film aujourd’hui, c’est que le réel est bien plus désespérant qu’il ne veut l’admettre…
3 étoiles sur 5
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