Les temps sont durs pour les avocats pénalistes
L'affaire Alexia Daval fait remonter en moi le souvenir de ma vocation initiale d'avocat pénaliste. Les grandes affaires criminelles où les accusés risquaient encore leur tête, les horribles erreurs judiciaires, la voix de tonnerre de Frédéric Pottecher racontant la famille Dominici, les films de prétoire où l'avocat disculpe in extremis l'innocent au pied de la guillotine, tout cela faisait mes délices d'adolescent.
Mais je n'ai pas de regrets. Depuis l'abolition de la peine de mort et le curieux oubli de son remplacement par une perpétuité réelle (que tout le monde croyait si évidente qu'on n'en parla même pas), l'enjeu n'est plus le même et le métier devenu trop facile. Premier conseil de l'avocat : "N'avouez jamais !" C'est une petite main, mais ça marche quelques jours, voire quelques semaines, le temps de se retourner ; en pratique, jusqu'à ce que la police scientifique rende son rapport. Parce que, depuis qu'un poil pubien coincé entre deux lattes de parquet permet d'affirmer que le meurtrier chausse du 43 et fume du tabac blond, on ne s'en sort plus comme jadis...
Du coup, la défense montre un brelan : "D'accord, j'étais bien là, mais elle a trébuché sur le tapis…" Tables basses et rebords de plans de travail, que de morts à votre actif ! Ça amuse la galerie quelque temps, jusqu'à ce que le médecin légiste ait touché de quoi alimenter son imprimante : "traces de strangulation, fracture du larynx et dix-sept coups de couteau". À ce moment-là, la mort accidentelle devient franchement difficile à soutenir, et le bavard recommande le full aux as : "D'accord, c'est moi qui l'ai tuée, mais c'était sur un coup de sang… Non contente de multiplier les amants, elle m'a traité de petite b… et d'éjaculateur précoce !"
C'est, certes, un peu vache, mais pendant ce temps-là, les gendarmes ont continué leur petite enquête et découvert que le poignard de chasse a été acheté deux jours avant le drame, alors que le mis en examen a horreur du gibier… C'est, alors, l'heure pour les émules d'Acquittator d'avancer la quinte flush, le concept de "légitime défense différée", récemment mis au point par les néo-féministes pour Jacqueline Sauvage : le mari met - comme chaque jour - une claque à sa femme au début du journal de Jean-Pierre Pernaut, et elle lui met trois balles dans le dos pendant le téléfilm de quatorze heures… Les hommes peuvent tenter le coup, mais ce sera plus difficile, même avec l'aide unanime de sa famille : "C'était une femme très désagréable. Et mauvaise cuisinière en plus, incapable de cuire un soufflé…"
Quant à justifier la crémation du cadavre en pleine forêt, c'est facile : "C'était pour respecter sa volonté. Elle avait toujours voulu être incinérée, mais sa famille y était opposée…"
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