Turquie : lorsque Erdoğan « martyrise » une petite fille

Jamais en manque d’inspiration, le président turc, porte-voix d’un islam plutôt dur – c’est un euphémisme ! –, a, devant un parterre de militants de son parti islamo-conservateur (l’AKP) réunis en congrès, "invité une petite fille sur scène. Habillée de l’uniforme militaire des forces spéciales turques, la fillette a rejoint le dirigeant en pleurant, visiblement intimidée" (Le Figaro). Il a déclaré dans la foulée que "si elle tombe en martyre, elle sera recouverte d’un drapeau, si Dieu le veut".

Ce moment de bravoure – qui me rappelle fâcheusement certaines affiches de la propagande stalinienne exhibant un trompeur Petit Père des peuples entouré d’enfants souriants – a provoqué l’enthousiasme d’une foule acquise au président turc. Enthousiasme que la fillette ne semble pas avoir apprécié à sa juste valeur car, à son âge, elle doit plus volontiers songer à La Reine des neiges qu’à devenir une martyre de ce va-t-en-guerre « légèrement » intégriste.

C’était, d’ailleurs, l’objet de cette réunion : "Le président appelait en effet à soutenir l’opération militaire des forces armées turques contre les milices kurdes dans la région d'Afrine en Syrie" (op. cit.). Autant dire que la fillette en question n’avait pas vraiment sa place au beau milieu de militants assoiffés du sang de leurs ennemis, étant entendu que Recep Tayyip Erdoğan a beaucoup d’ennemis, en dehors et à l’intérieur des frontières turques.

Ce désormais dictateur, qui a obtenu le pouvoir absolu grâce à des circonstances favorables et une réforme votée par référendum, "dès 2019 […] cumulera les fonctions de chef de l’État, chef des armées, chef du gouvernement et chef du parti" (France Info). Aussi, faire monter sur la scène de sa gloire une gamine pour l’inviter à devenir martyre participe de cette liturgie que nous ne connaissons, hélas, que trop bien et qui montre l’actuelle Turquie telle qu’en elle-même.

Évidemment, comme il s’agit d’un pays musulman, frappant par ailleurs de plus en plus fort aux portes de l’Europe – comme une réminiscence du passé lorsque les armées ottomanes, sur terre comme sur mer, venaient titiller notre continent –, les réactions face à un tel geste n’ont pas provoqué l’ire espérée de nos médias, qui s’ébrouent plus volontiers dès que les présidents américain et russe bougent une oreille.

Il n’empêche, cette démonstration révèle le fossé qu’il y a entre l’islam et le christianisme. Imagine-t-on le pape, sur la place Saint-Pierre, à Rome, attirer à lui une fillette et lui demander de mourir en martyre pour le Christ ? Il est vrai que nous autres, chrétiens, ne donnons pas la même définition à ce mot, et lorsque nous l’évoquons, il nous vient plus volontiers à l’esprit Étienne (protomartyr) ou Blandine de Lyon, qui ont "souffert la mort pour avoir refusé d’abjurer la foi chrétienne" (Le Petit Robert).

Nous sommes bien loin de la définition que vient d’en donner explicitement le président turc et qui fleure bon le djihad !

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