Macron va-t-il suivre Trump et ajouter la guerre à la guerre ?
La guerre est une chose dégueulasse, elle l’a toujours été, et même les dentelles des précieux officiers du XVIIIe étaient tachées de sang.
De mémoire d’homme, la guerre fut accompagnée du malheur des peuples, les sabres des uhlans ou les missiles tuent indistinctement. Prises d’otages, exécutions de masse, empoisonnement des puits, destruction de récoltes ou de semis, volonté de jeter l’effroi sur les populations ou d’en réduire le nombre, ces exactions n’ont jamais disparu des pratiques guerrières ; la guerre n’est morale que pour les vainqueurs et la destruction de Dresde était militairement inutile.
Nous ne saurons pas qui a utilisé du gaz dans cette ville de Syrie, ni comment, ni ce qu’il était, ni le nombre réel de victimes. Le savoir nous permettrait d’identifier les raisons de l’acte. La dissimulation, elle aussi, est une pratique de la guerre.
Nous savons la collusion entre les Casques blancs et les rebelles islamiques pourvus d’armes occidentales, nous savons que les ONG indépendantes ont leurs bases à Londres et que leur discours est du genre à emballer les visées impérialistes dans du coton soyeux ; l’humanitaire est à l’humanisme ce que le hamburger est au chateaubriand.
Au début des hostilités en Syrie, qui - rappelons-le - furent induites par les Occidentaux, le président légitime, sans doute poussé par son entourage, a semble-t-il utilisé des armes chimiques dans des parties du territoire syrien devenues hors de son contrôle. À l’évidence, il s’agissait, par la terreur, d’assécher le soutien des populations aux rebelles. Le calcul était simple : pour un prix humain, somme toute modique, sans destruction d’infrastructures, le pouvoir légal empêchait la contagion de la sécession à d’autres villes. Éteindre le feu par une violence initiale de haute intensité et éviter la guerre civile, le but était louable ; mais surtout la seule alternative face à la démission et à l’abandon du pays aux islamistes. Mais cela ne correspondait pas au plan américain, Saddam Hussein et Kadhafi ne leur suffisaient pas ; la Tunisie et l’Égypte ont eu de la chance !
Contre toute attente, Bachar el-Assad a gagné la guerre civile, grâce à l’intervention des Russes et des Iraniens, la proportion entre les deux restant à déterminer.
S’il y a conjonction actuelle d’intérêts entre la Russie et l’Iran, il n’y a pas d’alliance et chacun marque l’autre en tentant de rentabiliser au mieux les actions communes. On le voit en Syrie où nul doute que Bachar el-Assad se sert de cette compétition. Dans le futur, même proche, l’Iran est capable de rejouer la carte américaine, comme l’a montré le dégel avec Obama et la signature du dangereux traité de dupes sur le nucléaire iranien. Si Moscou a vendu des armes sophistiquées, c’est soumis à un chantage des mollahs : la Russie ne pouvait pas se permettre un Iran pro-américain alors que l’Ukraine et la Géorgie basculaient vers l’OTAN. Mais à terme, avec ou sans la fin du régime théocratique en Iran, la Russie s’en éloignera car elle ne peut durablement aider des chiites contre des sunnites alors que 10 ou 12 % de sa population est musulmane sunnite. Le rabibochage avec la Turquie, malgré l’avion russe abattu, en est une conséquence, surtout après que les Kurdes pro-occidentaux l’ont emporté sur les progressistes.
Aujourd’hui, le plan occidental est de torpiller la réussite de la paix en Syrie pour ne pas la laisser tout entière dans l’influence russe. Il faut donc empêcher une réconciliation nationale.
Ce qui se joue, c’est la partition de la Syrie. On a laissé la Turquie détruire l’enclave kurde d’Afrine pour mieux préparer le rattachement des turcophones syriens et l’émergence d’un Kurdistan plus à l’est, un état sunnite, pétrolier, sur les deux rives de l’Euphrate pour couper le croissant chiite. Provisoirement, on laissera les chrétiens et les alaouites vivoter.
L’intérêt, pour les gosses syriens étouffés par le chlore, c’est l’utilité des images de leur souffrance. La guerre est une chose dégueulasse.
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