Le cœur d’Anne de Bretagne volé, c’est alors le nôtre qui saigne

Samedi 14 avril 2018, tandis qu’une horde au moins aussi sauvage que celle de Sam Peckinpah manifestait à Nantes en soutien aux illégitimes zadistes de Notre-Dame-des-Landes, le reliquaire – ou écrin – du cœur d’Anne de Bretagne, exposé au musée départemental Thomas-Dobrée, dans le centre-ville, a été dérobé. Les voleurs ont probablement profité du chaos ambiant dont la cité historiquement bretonne est coutumière.

Ce reliquaire d’une personnalité deux fois reine – d’abord mariée à Charles VIII, puis, après la mort de celui-ci, à Louis XII – faillit bien, par le passé (en 1793), être détruit. Déclaré « monument des sciences et des arts », il fut sauvé in extremis.

Hélas, un tel objet étant quasi invendable, "au vu du mode opératoire, tout porte à croire que l’objectif des voleurs était de “fondre cet or pour en faire des lingots”. […] Selon les premiers éléments de l’enquête confiée à l’antenne nantaise de la PJ et à l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels, le cambriolage “porte très probablement la signature de personnes issues de la communauté des gens du voyage” : selon nos informations, les vitrines où se trouvaient ces objets ont été détruites “à coups de masse”, ce qui est un procédé caractéristique" (France Bleu).

Le reliquaire en question est une pièce d’orfèvrerie exceptionnelle datant de 1514 – année de la mort de la reine Anne. "D’une quinzaine de centimètres de haut, ce réceptacle de forme ovale surmonté d’une couronne d’or (une frise composée de trèfles et de fleurs de lys) a été conçu pour abriter le cœur de la jeune femme. Cette dernière, qui savait qu'elle serait inhumée à la nécropole royale de la basilique de Saint-Denis, tenait à ce que son cœur repose dans sa ville natale, à Nantes" (Le Figaro).

Cette agression caractérisée contre notre patrimoine et, par-delà, notre identité, si elle a été relayée par les médias, n’a tout de même pas fait la une ni provoqué autant de réactions que la dégradation du « sapin de Noël » – en réalité un sextoy géant – de Paul McCarthy, exhibé place Vendôme à Paris en 2014. À cette époque, Fleur Pellerin – alors ministre discutable de la Culture – et Anne Hidalgo s’en étaient émues. Signe révélateur de notre époque oublieuse de son passé.

Cet objet éminemment symbolique, sans grande valeur s’il était effectivement détruit – "Braquer une bijouterie aurait été plus rentable", déclarait Erwan Chartier, spécialiste de l’histoire de la Bretagne, sur Franceinfo, avançant de son côté l’hypothèse d’un vol de commande –, met aussi en lumière un fléau majeur, à savoir le vol de nos biens culturels. Malheureusement, "la France reste le grenier du marché de l’art" (vmfpatrimoine.org).

Quant aux voleurs, voire aux commanditaires, puissent-ils être touchés par le remords d’avoir profané "ce petit vaisseau / De fin or pur et munde""Repose ung plus grand cueur / Que oncque dame eut au munde / Anne fut le nom delle", comme il est écrit sur une face du reliquaire de la reine Anne.

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