14 juillet : Eva Joly n’aura pas la peau du défilé
Qu’elle soit la commémoration du 14 juillet 1789 - où on a décapité deux hommes et promené leurs têtes sanglantes au bout des piques - ou celle de la fête de la Fédération du 14 juillet 1790 due à l’américanomanie, le 14 Juillet n’est pas ma fête. Pour autant, cher Georges Brassens, je ne "reste pas dans mon lit douillet" car ces hommes et femmes valeureux, avec leurs uniformes ancestraux impeccables, nous sauvent un moment de la déliquescence ambiante.
Et puis, comme dit le général Lecointre, chef d'état-major des armées, "c’est une démonstration de force", celle "des instruments de notre force qui peuvent tuer délibérément".
Mais ce défilé était placé sous le signe plus pacifique de la "Fraternité d’armes sous l’uniforme".
C’est Macron qui a choisi le thème. Avec la loi de programmation promulguée la veille, et le décret sorti le matin même, il veut "réparer les dégâts du passé et préparer l’avenir". Comme avec l’Église, un peu… et comme la mise à pied du général de Villiers, il y a un an ?
En tout cas, la fraternité érigée en « principe fondamental » par le Conseil constitutionnel cette semaine est très tendance.
Fraternité entre hommes et femmes sous l’uniforme, d’abord.
Deux casques, deux uniformes identiques. La journaliste dit "Vous êtes en couple ?" Là, j’avoue, j’ai cru… Ben non ! D’un des deux casques sort une voix féminine. Mari et femme, mais frères sous l’uniforme…
De la chef de chœur de la musique interarmées du final jusqu’à une conductrice de blindé de 21 ans ; en passant par une femme « sous-marinière », la femme est à l’honneur dans les commentaires tout au long du défilé.
BFM TV pose même la question : "Une femme bientôt chef d’état-major des armées ?"
Solidarité avec les Antilles, aussi. 6.100 jeunes se sont engagés en 2017 dans le "service militaire adapté" après « Irma ».
Solidarité avec les soldats morts et blessés, enfin.
La promotion de l’année de l'école des officiers de la gendarmerie nationale a pris le nom d’Arnaud Beltrame.
Et le très joli carrousel qui ouvre le défilé est aussi un hommage. Son concepteur, le garde républicain Guillaume Derouen, est mort en service dans un accident de la route le 3 juillet. Ses camarades ont marqué un temps d’arrêt pour représenter devant la tribune présidentielle un "G" et un "D" - ses initiales.
Par-delà la symbolique, le défilé est aussi un régal pour les yeux.
Cyrards en pantalons garance et casoars, élèves de l’École militaire interarmes en képi bleu ciel, chasseurs alpins immaculés, spahis avec leurs longs manteaux, matelots à pompon rouge, Légion étrangère en blanc, bleu, brun…
11 h 45. La fin approche.
Vus d’avion, les deux cents gardes républicains à cheval, aériens, chatoyants, semblent voler seuls vers l’obélisque dont la pointe d’or brille au soleil. Entre eux et elle, la tribune officielle, en contre-jour, a opportunément disparu.
La chorale interarmées va-t-elle rompre la magie ? On se souvient de Daft Punk, l’an dernier, et la récente fête de la Musique à l’Élysée n’a pas apaisé nos peurs. Ouf ! Ce sera "Gloire immortelle à nos aïeux", extrait du Faust de Gounod. Enfin la "Marseillaise". À "amour sacré de la patrie", la musique ralentit, l’émotion monte, le Président chante en fermant les yeux sur son rêve intérieur. Nous voilà rassurés.
Eva Joly, qui avait proposé de supprimer le défilé, n’est pas près d’avoir gain de cause.
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