Le livre de l’été : La Guerre au français, de Marie-Hélène Verdier (6)

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Comme chaque année, à l’occasion de l’été, Boulevard Voltaire vous offre des extraits de livres. Cette semaine, La Guerre au français, de Marie-Hélène Verdier.

La guerre du nénufar, d’abord. Elle remonte à quelques années déjà mais on la ressert régulièrement comme exemple canonique d’une réforme pressante de l’orthographe Je ne reviens pas sur la spécificité de notre orthographe. J’en viens à nénufar. Le mot, d’origine arabo-persane, qui vient du sanskrit, souleva un vent de contestation en 1991 : fallait-il écrire nénuphar ou nenufar ou nénufar ? Les nymphes avaient-elles à voir avec le nénufar ? L’Académie s’en était mêlée et la France entière avait retenu son souffle. Un an auparavant, en 1990, en effet, avait été créée par des experts et des conseils spéciaux, au sein du CFLF (Conseil français de langue française), une nouvelle orthographe : la N.O. ou l’O.R. (orthographe rectifiée). Avalisées par l’Académie française, des réformes avaient été publiées au J.O. (ces initiales ont un petit air sportif délicieux...). La nouvelle orthographe était donc entrée dans les organismes officiels.

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Rappelons-le ici, une fois de plus : cette N.O. n’est pas une réforme mais une tolérance. Les tolérances concernant l’orthographe de certains mots n’ont pas force de loi et l’orthographe française traditionnelle reste d’usage. Pour preuve, le Bulletin officiel et l’Académie française continuent de publier en orthographe traditionnelle. Pour l’Académie, qui en est à sa neuvième édition du Dictionnaire, ce sont donc des « graphies alternatives. »

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Venons-en maintenant à la merveilleuse histoire du circonflexe, ou flexe : ce joli papillon qui se pose sur nos voyelles a, e, i, o, u. Signe diacritique venu du grec, il est l’union d’un accent aigu et d’un accent grave. Vous savez pourquoi les linguistes ne l’aiment pas, ce papillon ? C’est parce qu’il ne joue aucun rôle linguistique et qu’il relève de l’histoire d’un mot. Cela n’est pas pardonnable. Or, de ce flexe notre forêt de mots est remplie ! Regardez les mots fête, tête, fenêtre, hôpital, malhonnête, dû, mûr, suprême et trône. On va tout vous dire.

Le circonflexe peut marquer la disparition complète d’une lettre : aage, d’où âge ; seur, d’où sûr ; meur, d’où mûr. [...] Le circonflexe peut aussi lever une ambiguïté : sur et sûr, mur et mûr et du et dû. Ce circonflexe peut être également coquin et n’avoir aucune origine, être là pour faire bien comme dans le mot trône, qui mérite bien un tel honneur, prône, drôle par imitation de rôle de même que cheftaine a été fait sur capitaine. En revanche, quand le circonflexe est grammatical, on ne peut le supprimer : vous dites et vous dîtes. Au subjonctif imparfait, on vous l’a dit, pas de lézard, c’est : « Il chanta juste parce qu’il fallait qu’il le fît pour être embauché chez S+++. »

Donc, avant d’adopter les corrections de l’O.R. de 1990 et de 2012 ou la N.O. de 2016 et d’adhérer au CILF (Conseil international de langue française), réfléchissez bien avant de dire : « Le flexe, du balai ! » Les Canadiens sont des enragés de la suppression du flexe. Mais pas forcément vous. Encore une fois, dites-vous bien que cette N.O. n’est en rien régalienne. Et sachez aussi que les mots réformés ne sont que 2.000 alors qu’un dictionnaire en compte de 50.000 à 60.000, et que l’Académie française fait son toilettage chaque année de plus de 1.000 mots, ce qui n’est pas rien ! Ne vous laissez donc pas embobiner et rappelez-vous que l’accord du participe passé après l’auxiliaire avoir et le flexe au subjonctif imparfait sont incontournables. Autant ne pas passer pour ignare.

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Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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