T’as voulu revoir Paris, ou les joies de la rentrée
Mes collègues bobo sont en dépression. Nicolas nous a quittés, la planète est en danger. Elles avaient voté Macron parce qu’il allait libérer les animaux des servitudes patriarcales de l’homme blanc, vider les villes des pots d’échappement et faire des centrales nucléaires des asiles pour migrants.
Et voilà que patatras ! Tendu comme un arc, un tic lui tirant l’œil gauche, un rictus amer au coin de la bouche, celui qui devait faire tout ça a déclaré forfait. Il s’en va. Et la planète mourra.
Je tente de relativiser. Il nous fait le coup du "Après moi le chaos". C’est classique, pas d’affolement. Mais je vois bien que la grande peur millénariste est de retour, et que l’apocalypse est pour demain.
Je leur conseille donc la fuite. Vite, à vos vélos, le chat à l’avant, trois tenues en nano-fibres à l’arrière, les sabots de bois aux pieds et hop ! N’oubliez pas les bougies. Ni les silex pour les allumer !
Je ne suis pas de bonne humeur.
Ce matin, jour de rentrée, l’appli PayByPhone m’a refusé obstinément le stationnement de mon auto au tarif « résident » de 9 euros la semaine. Pendant les vacances, ma carte a sournoisement expiré.
Au tarif « visiteur », je devrais payer 4,30 euros de l’heure, et très peu travailler, car "la durée maximale autorisée est de 6 heures. Ce délai dépassé, un FPS à 50 euros vous sera automatiquement facturé." Impossible.
Apres dix SMS à mon proprio injoignable pour obtenir les trois dernières quittances, mise à sac de l’appartement pour retrouver ma taxe d’habitation et trois échecs de connexion au site de la mairie de Paris pour faire renouveler ma carte, j’abandonne. Une appli anglophone chasse l’autre. Avec YesPark, je trouve en cinq minutes une place de parking au mois.
Allez, oubliés les soucis. C’est bon de retrouver Paris. Du bus, je guette le carrefour de la rue Soufflot d’où, soudain, l’immense silhouette du Panthéon. Puis ce sera l’univers minéral intemporel et majestueux de la place… Mais non ! C’est une blague ? La place est jonchée d’innombrables blocs de pierre abandonnés et de caisses contenant des arbustes chétifs, le tout parsemé de-ci de-là de mobilier urbain en pin brut. Là, une grande table, ici, un banc, certains posés de travers, comme des radeaux jetés au hasard sur des flots déchaînés par un marin ivre. J’enrage.
Et voilà que je trouve, en plus, ces ushuaïennes en pleurs...
Pendant qu’elles boudent, je tapote, fébrile, « place du Panthéon » et j’apprends qu’un "architecte, un paysagiste, un socio-ethnographe et un expert en insertion sociale" ont collaboré à ce chef-d’œuvre et que cette "coproduction des nouveaux usages" a permis de "configurer les dispositions futures" ». Cette littérature m'évoque celle tout aussi obscure des restos branchés : "poulet fumé au foin accompagné de topinambours safranés infusés au romarin"...
En tout cas, c’est juste ce qu’il faut à mes collègues endeuillées !
Je leur signale que, cette semaine (dixit Google), un « apéro du jeudi » s’y tiendra.
Elles pourront y apporter leurs salades aux algues, leurs biscuits sans gluten, leurs tisanes glacées au thym, et même de la beuh importée du Cofyshop de la rive droite où elle est désormais vendue en toute légalité.
Et y rêver, loin de mes railleries sacrilèges, à la panthéonisation de Nicolas.
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