Macron et Mélenchon sont bien les meilleurs alliés : à Marseille, les masques sont tombés
On a fait un scandale qui a duré des propos - frauduleusement enregistrés - de Laurent Wauquiez devant des étudiants à Lyon parce qu'ils auraient révélé son insincérité politique.
Si, en France, le "deux poids, deux mesures" n'était pas consubstantiel à la République, que ne devrait-on pas dire, alors, de l'épisode marseillais qui a permis au président de la République et à Jean-Luc Mélenchon de révéler beaucoup sur eux-mêmes, sur leur connivence et la manière ironique dont ils appréhendent l'authenticité démocratique.
Le président de la République se trouve en compagnie d'Angela Merkel, qu'il a invitée à Marseille.
Au cours d'une réunion dans l'après-midi, Jean-Luc Mélenchon qualifie Emmanuel Macron de "plus grand xénophobe qu'on ait".
Dans la soirée, après avoir dîné, le président de la République déambule à Marseille et se livre à son exercice préféré : l'empathie et la proximité à la fois maîtrisées et spontanées.
Jean-Luc Mélenchon, dans un restaurant, sur le Vieux-Port, apprend qu'Emmanuel Macron n'est pas loin de lui et invite son équipe à lui organiser un rendez-vous avec le Président, "comme par hasard". Les deux équipes s'accordent et la rencontre se fait à la terrasse d'un hôtel. Prétendument fortuite, donc, mais totalement construite et fabriquée. Avec la complaisance de l'un et de l'autre.
Face au Président, Jean-Luc Mélenchon "s'écrase" et définit son attaque virulente de l'après-midi comme une "exagération marseillaise". Emmanuel Macron éclate de rire et plaisante en affirmant que Jean-Luc Mélenchon "n'a pas pu dire cela".
À l'issue de l'échange, on arrive aux choses sérieuses. Le Président, qui a reçu la rhubarbe - Jean-Luc Mélenchon s'est rétracté piteusement -, lui offre le séné. Jean-Luc Mélenchon n'est pas un ennemi, au contraire, il a beaucoup de plaisir à dialoguer avec lui, il le respecte et il est évident que le RN est "sans aucun doute" beaucoup plus dangereux que LFI.
Comment espérer que le citoyen soit enthousiasmé par cette séquence à la fois dérisoire et signifiante ?
D'abord, tout est programmé. Le hasard n'existe pas. L'artifice dans un total consensus.
Jean-Luc Mélenchon est une "grande gueule", un bel orateur, il a l'audace du verbe, sauf quand il s'agit de maintenir sa charge face au principal intéressé. Un trait de caractère qui en dit long. Il proclame ce qu'il ne pense pas ou est incapable d'assumer ce qu'il pense ? Au choix.
Le badinage du Président qui éclate de rire montre comme il a compris que celui qui n'est pas "son ennemi" n'est pas aussi vertébré qu'on pouvait le penser. Sa moquerie, en réalité, est assez humiliante à l'égard de Jean-Luc Mélenchon. Il a dit n'importe quoi, mais ce n'est pas grave ! Jean-Luc Mélenchon est renvoyé dans ses cordes par un Président qui ne lui offre même pas le cadeau d'une indignation même feinte.
Enfin, leur concorde tactique pour faire du RN le pestiféré habituel démontre comme le Président n'a aucun scrupule à pactiser avec une vision européenne qui est aussi éloignée de la sienne que celle du RN - les deux se ressemblant, d'ailleurs - et à traiter avec un favoritisme choquant quelqu'un qui, en dépit des apparences, est inscrit dans la politique classique et, donc, infiniment rassurant pour lui. Ce n'est pas une surprise, certes, mais il est très éclairant, tout de même, de constater comme les antagonismes politiques sont moins forts que certaines complicités viscérales et corporatistes. Ils s'opposent, mais au sein de la même famille. La table n'a pas été renversée, ils sont assis autour ensemble.
Les millions d'électeurs - encore ! - du RN apprécieront cette pantalonnade. C'est ce qu'on nomme un Président pour tous les Français !
Je suis certain que cette séquence marseillaise - un comble du simulacre démocratique - détournera encore davantage les citoyens de la politique avec un ancien monde qui réunit, comme larrons en foire, ceux qui avaient prétendu, sur un mode contrasté, le détruire.
J'attache tant d'importance à cette histoire marseillaise parce qu'elle représente tout ce que je déteste.
Dans la vie intellectuelle et politique. Dans la vie tout court.
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