« On est 200. On va vous détruire ! »

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Avant-hier soir, vous avez déclaré, via Twitter, que vous étiez assiégés dans La Nouvelle Librairie. Que s'est-il passé ?

Ça a commencé à 19 heures. Comme tous les mardis, à La Nouvelle Librairie, j'anime la conférence de rédaction de notre revue Éléments. Nous avons vu débouler un excité qui éructait sur le pas de la porte : « On est 200. On va vous détruire. On espère que vous avez une bonne assurance ! » Entre nous, je me demande ce que ça pouvait lui faire que nous ayons ou pas une bonne assurance. Avait-on affaire à un « antifa » cadre supérieur dans les assurances ? Ce serait dans l'ordre des choses. Sur ce point, on devrait rapidement être fixé puisque François Bousquet, le gérant de la librairie, a porté plainte au commissariat avec les images de nos caméras de surveillance.

Donc, quelques secondes après les gesticulations de cet olibrius, sans vraiment bien comprendre ce qui nous arrivait, des dizaines de personnes, surgissant d’on ne sait où, se sont agglutinées devant la librairie en beuglant des menaces de toutes sortes. Au même moment, les forces de police sont arrivées en nombre, en nous demandant de nous enfermer dans la librairie et de ne plus en sortir. Une vingtaine de camions de CRS ont bloqué la rue Médicis. Nous nous sommes donc retrouvés à sept, journalistes et clients confondus, enfermés, sous les injures des manifestants, pendant près d'une heure.

Pourtant, quand nous sommes arrivés sur place, vers 20 heures, tout était calme...

Oui, comme dirait monsieur de La Palice, un quart d'heure avant sa mort, il était toujours vivant ! Effectivement, nous nous sommes vus à ce moment-là, après 20 heures, et tout était redevenu calme. C'était un mardi soir tranquille, à Paris, dans le Quartier latin, avec un camion de CRS qui stationnait devant une librairie ! On peut s'habituer à tout. Même à la présence de CRS devant une librairie. Il n'en reste pas moins que la vitrine a été dégradée, que les murs ont été tagués. Stratégie d’intimidation physique classique.

Ce n’est pas la première fois que les locaux sont menacés. N’est-ce pas épuisant, à la longue ?

La Nouvelle Librairie est un projet communautaire et associatif. Si l'un d'entre nous montre quelques signes de fatigue, un autre, plus gaillard, le remplacera, le temps qu'il se refasse une santé ! En réalité, notre librairie est sous la menace des « antifas » depuis la publication, par Jérôme Dupuis, dans L'Express, d'un appel à la violence caractérisé. C’est lui qui nous a désignés comme une « cible de choix » aux « antifas ». Pour n’importe quelle autre organisation, on parlerait de milice paramilitaire. Là, rien. Seulement l'injonction : « Ce que tu vis n'a pas existé. » J'avoue avoir été épaté par l’aplomb d'Abel Mestre. Ce journaliste du Monde, qui n'était pas sur les lieux, est parvenu à me donner une leçon de déontologie sur ce que je vivais en direct. Pour lui, la librairie n'était pas assiégée. Il y avait seulement « quelques dizaines de manifestants qui marchaient à côté de la librairie ». Chapeau, l'artiste ! Malgré mes vingt ans de carte de presse, j'ai pris une belle leçon de journalisme, mardi soir…

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Pascal Eysseric
Journaliste - Directeur de la rédaction de la revue Éléments

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