Affaire Khashoggi, une version officielle qui arrange tous le monde

Khashoggi

"Faute avouée est à moitié pardonnée." C'est sans doute en se basant sur cet adage que le roi Salmane d'Arabie saoudite a dû conseiller à son fils, le très controversé prince Mohammed ben Salmane (dit "MBS"), de reconnaître la mort du journaliste Jamal Khashoggi dans les locaux du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul. Il est vrai que, depuis dix-huit jours, cette affaire internationale d’État empoisonnait les relations du royaume wahhabite avec le reste du monde et, notamment, ses principaux alliés occidentaux dont les États-Unis.

Et l'opération semble s'avérer positive, puisque Donald Trump, dans ses dernières déclarations post-confessions saoudiennes, se déclare satisfait de la version maintenant officielle d'une rixe qui aurai mal tourné. Gageons que les autres pays, qui, hier, s'offusquaient du mauvais sort réservé au journaliste saoudien exilé aux États-Unis, dont la France, rejoindront d'ici peu les rangs de ceux qui, finalement, sont bien contents de cette issue, certes dramatique, mais présentable aux yeux du monde. En définitive, il ne s'agirait que d'un banal accident, résultant d'un différend musclé entre un homme seul et seize personnes qui tentaient de le ramener à la raison. Évidemment, tout cela est cousu de fil blanc. Mais pour faire bonne mesure, et rassurer ses alliés sur sa bonne foi, le roi Salmane et son fils préféré (MBS) ont quand même fait arrêter dix-huit ressortissants saoudiens, mêlés à un titre ou à un autre à cette affaire. Renvoyé un haut responsable du renseignement en la personne de Ahmed al-Assiri. Et limogé un conseiller royal, Saoud al-Qahtani. Quant à savoir ce que deviendront ces serviteurs zélés du roi et du prince, inutile de s'inquiéter outre mesure : ils reprendront rapidement du service.

Il est vrai que cette affaire commençait à faire tache dans les relations fort lucratives que l'Arabie saoudite entretenaient avec les Occidentaux. En réalité, ce ne sont pas tant les faits que leur impact sur les opinions publiques internationales qui menaçaient de se montrer catastrophiques. En effet, qu'un journaliste gênant pour le pouvoir en place soit liquidé par des barbouzes, rien de bien choquant ni de bien nouveau. Surtout venant d'un pays où l'on coupe encore les têtes et les mains avec délectation et où l'on fouette à tour de bras sur les places publiques à la moindre incartade. D'un pays qui est en train de massacrer les Yéménites sans vergogne, et sans que personne ne réagisse en Occident. Mais il y a la forme. Et c'est justement cette forme que les porte-flingues de MBS n'ont pas respectée. D'où les sanctions. Il n'était pas interdit de tuer et de démembrer Jamal Khashoggi, mais il était interdit de se faire prendre.

Donc, tout va pouvoir rapidement rentrer dans l'ordre. Les État-Unis vont pouvoir continuer d'effectuer leur juteux business avec ces assassins en djellaba blanche, et la France également. Il aurait, en effet, été ballot de devoir remettre en question toute une politique commerciale et militaire source de centaines, voire de milliards d'euros de revenus pour la mort d'un petit journaliste que tout le monde aura oublié d'ici quelques semaines. Le "Davos du Désert" va donc, peut-être avec un léger retard, pouvoir se tenir. Tout le monde fera mine d'avoir oublié cette regrettable affaire Khashoggi, lequel pourra toujours se consoler, de l'endroit où il se trouve désormais, d'être mort pour la liberté d'expression et la démocratie.

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Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

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