Édouard Philippe domine le Président : le macronisme sans Macron est déjà en marche
Samedi, le parti présidentiel organisait un colloque pour cerner idéologiquement le macronisme : un progressisme. Il y avait urgence, dans la majorité, à se redéfinir après la chute de popularité du Président suite à la gestion désastreuse des affaires, de son image et de ses propos. Et, parmi les artisans de cette redéfinition, il y a, selon Le Monde, Christophe Castaner, le dernier des soutiens de la première heure, aujourd'hui promu ministre de l'Intérieur. Un soutien qui ne cachait pas, ces derniers mois, la nécessité de « préparer l’après-Macron » pour que le parti puisse "survivre" à son fondateur. Il confiait encore au Monde, le 29 septembre dernier :
« Si vous restez un parti de personne, comme l’a été celui de De Gaulle ou de Berlusconi, il y a un risque réel de disparaître quand celle-ci quitte le pouvoir. »
Il ne croyait pas si bien dire. Avec la chute de popularité spectaculaire du Président, tout le système du nouveau monde semble partir à vau-l'eau. Tout ? Non, un homme résiste à cette débandade : le Premier ministre Édouard Philippe. Et, selon le sondage IFOP pour le JDD de ce dimanche 21 octobre, il fait mieux que résister car il gagne même 7 points, à 41 % d'opinions favorables, là où Emmanuel Macron stagne à son étiage de 29 %. 12 points d'écart !
C'est un élément politique nouveau. Le macronisme est capable de se détacher sans complexe, à peine dix-huit mois après son sacre, de son fondateur. En effet, Édouard Philippe devance le Président même chez les électeurs LREM : 91 % contre 86 % !
Et, tout aussi spectaculaire pour celui qui est issu des rangs de la droite et qui pourrait pâtir d'une politique jugée trop à droite par certains, il gagne en popularité des deux côtés : +10 points chez les socialistes et +6 chez Les Républicains. Le politologue Frédéric Dabi avance une explication par le caractère "calme et posé, modeste et rassurant" du chef de Matignon, par opposition avec un Emmanuel Macron perçu comme "hautain et arrogant".
Les électeurs macronistes ont intégré la dégradation profonde et durable de l'image du chef de l'État, entre ses selfies et ses saillies déplacées. C'est un électorat qui attendait autre chose qu'un Président-Zébulon. Pas étonnant qu'il trouve son compte dans la personnalité plus classique et rassurante d'Édouard Philippe. Finalement, Emmanuel Macron, par ses bêtises, a concentré sur lui le pire de la droite et de la gauche : le côté bling-bling libéral demandant aux chômeurs et aux retraités d'arrêter de se plaindre et le côté bang-bang bien gauchiste de fête de la Musique à l'Élysée avec trans, rap et Black exclusivement. Édouard Philippe, lui, a veillé à ne pas tomber dans ces deux pièges et a récupéré les aspirations plus policées des deux branches du « en même temps ». Désormais, il faudra compter avec lui, car il a pris un poids politique nouveau, comme l'a montré la longueur du remaniement.
Ce qui aurait été inconcevable sous les précédents Présidents, même jusqu'à Hollande dix-huit mois après son élection, l'est dans le monde macronien : on évoque sans détour l'après-Macron, l'électorat lui-même se trouve rapidement un nouveau chef : en l'occurrence Édouard Philippe. C'est une fluidité nouvelle en politique, qui peut être une force considérable en termes de renouvellement. D'ailleurs, cette fluidité est la marque de fabrique du macronisme : Macron n'est, en fait, qu'une jeune pousse des cabinets ministériels socialistes aux abois.
Les adversaires du macronisme, enkystés dans des modes de pensée et d'action beaucoup plus rigides, voire sclérosés, devraient en prendre de la graine. Certes, Macron n'est plus le seul maître en Macronie. Mais ce n'est pas forcément une bonne nouvelle pour ses opposants.
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