Ben oui, le mouvement des gilets jaunes a « un impact sévère » sur l’économie : et heureusement !
Entre les interventions délirantes de ses ministres (Castaner et les « séditieux », Darmanin et sa « peste brune », etc.), les interviews droit-dans-mes-bottes de son Premier ministre et le discours "en-même-tempiste" du Président lui-même mardi, une conférence de presse est passée plus inaperçue : celle du ministre de l'Économie Bruno Le Maire.
Faisant le point sur les conséquences du mouvement des gilets jaunes sur l'économie, il égrenait les chiffres et les doléances que lui avaient fait remonter les organisations patronales. Il présentait aussi ses solutions concrètes pour accompagner cette phase délicate. Bruno Le Maire était dans son rôle et, contrairement à ses petits camarades un peu chiens fous qui assenaient leurs leçons de morale et d'histoire (centrées exclusivement sur les années 30 et le nazisme), il restait prudemment dans son domaine : l'économie. Oh, on sentait tout de même une pointe de culpabilisation quand il déplorait la chute du chiffre d'affaires, dans certains grands magasins, de 35 % le 17 novembre... On se disait que ce n'était tout de même pas la fin du monde, non ?
On a, ici ou là, déploré ou moqué l'amateurisme des gilets jaunes. On devrait, au contraire, saluer leur efficacité : contrairement à certains mouvements sociaux qui dérangent peu, ou seulement les usagers, mais pas les décideurs, les gilets jaunes ont su toucher aux centres névralgiques : grande distribution, péages, dépôts. Leur but est clair : que les grands patrons fassent pression sur leur ami Macron. Ce n'est pas la moindre originalité de ce mouvement d'un nouveau genre. Peut-être parce qu'ils sont, justement, issus du monde économique. Ils sont les rouages sans lesquels la machine ne tourne plus. Et là, ils n'en peuvent plus.
On veut bien comprendre l'inquiétude de tous ceux - fournisseurs, commerçants, etc. - dont une grosse partie du chiffre d'affaires dépend de ces semaines précédant les fêtes. Mais on sait aussi que, dans ces cas-là, il y a ensuite rattrapage des achats. Et puis, on voit aussi que les indépendants - artisans, commerçants – sont, comme 80 % des Français, solidaires de ce mouvement car ils souffrent des mêmes maux. Donc, de même que le grossier chantage au fascisme des sieurs Castaner et Darmanin faisait pschitt, toute tentative de chantage à la panne économique du pays était vouée à l'échec. Et M. Le Maire ne la tenta même pas. Il se contenta d'un « impact sévère sur l'économie ». À l'heure où la croissance n'est pas au rendez-vous et où l'Allemagne - sans gilets jaunes - fait un -0,8 %, l'inquiétude du gouvernement est compréhensible. Mais il ne doit s'en prendre qu'à lui-même.
Puisque MM. Macron et Le Maire ne jurent que par la croissance, ils seraient bien inspirés d'écouter enfin ces gens qui ont un tel pouvoir de nuisance économique, selon eux. Mais aussi de se rappeler leurs lointains cours de latin ou d'histoire romaine, vite archivés pour faire l'ENA, et de relire Tite-Live et le célèbre apologue des membres et de l'estomac. Ou La Fontaine. En 494 av. J.-C., la plèbe romaine, oppressée de dettes, décida de se révolter et de faire sécession sur l'Aventin. Les patriciens, sentant la menace que cela faisait peser sur leur prospérité et désireux de réintégrer les plébéiens (Emmanuel Macron dirait aujourd'hui « les classes laborieuses »...), dépêchèrent « un homme éloquent et aimé de la plèbe dont il était issu ». C'est lui qui prononça ce discours des membres révoltés qui cessent d'alimenter l'estomac mais qui tombent eux aussi dans une faiblesse extrême. Mais il ne se contenta pas de ce discours qui les ramena et arriva avec des mesures politiques et économiques, comme la création de deux tribuns de la plèbe inviolables.
Les gilets jaunes ont désigné leurs tribuns, mais le pouvoir macronien n'a pas la sagesse des Romains d'alors, ni de Ménénius Agrippa à leur envoyer. C'est tout son drame. Les classiques poussiéreux, ce n'est pas très tendance pour organiser une fête de la Musique électro sur le perron de l'Élysée, mais cela peut être utile quand on est à la tête d'un État à la société aussi fracturée que la société romaine et où certaines catégories entières, comme la plèbe jadis, menacent de faire sécession.
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