Attroupement et manifestation : ce que l’on peut faire
Nous assistons, depuis plusieurs jours, à une série de violences arbitraires qui émanent, dans leur grande majorité, des forces de l’ordre, ainsi que de policiers en civil infiltrés dans le cadre du mouvement des gilets jaunes.
Au-delà de la sympathie que l’on peut avoir pour un tel mouvement face à un gouvernement autiste et méprisant, on ne peut qu’admirer le courage de ces compatriotes, bravant les centaines de "Robocop" surarmés et que l’on préférerait voir faire régner la loi face aux dealers qui terrorisent les cités.
Mon propos portera donc uniquement sur l’aspect pénal du phénomène, et de l’opportunité ou non des forces de l’ordre de disperser, par la force dans certains cas, ces rassemblements.
Rappelons préalablement que la manifestation est un droit fondamental, la restriction est une exception. Contrairement à ce que l’on entend souvent, y compris de la part de juges incultes, une manifestation n’a pas à être autorisée mais simplement déclarée, ceci pour des motifs d’organisation évidentes liées à l’occupation de la voie publique.
En outre, l'attroupement doit être distingué de notions voisines, telles la manifestation et la réunion publique.
« L'attroupement n'est ni une réunion publique ni une manifestation. D'une part, ses caractères sont différents, d'autre part, le fondement de l'attroupement est particulier. Néanmoins, le risque de confusion est concevable. L'attroupement peut en effet présenter un caractère fortuit, spontané, ce qui le démarque de la réunion publique, mais encore de la manifestation. L'attroupement, quant à lui, ne relève pas de l'exercice d'une liberté. En effet, il ne peut se concevoir, dans un État de droit, de liberté de troubler l'ordre public. »
Le risque de trouble de l'ordre public constitue donc le fondement des textes réprimant l'attroupement. La notion d’ordre public "repose sur une trilogie traditionnelle" : la sécurité publique, la tranquillité publique et la salubrité publique.
Il appartient donc à l'autorité civile de « correctement motiver sa décision, afin de permettre un contrôle effectif par l'autorité judiciaire ». Cette autorité, en pratique, ne peut être a minima qu’un commissaire de police.
En effet, « lorsque le juge pénal doit statuer, notamment sur la culpabilité d'un prévenu poursuivi du chef de participation délictueuse à un attroupement, encore faut-il lui permettre d'apprécier si l'attroupement était ou non juridiquement constitué. Le juge est donc amené à mesurer, a posteriori, le risque de trouble de l'ordre public au regard des éléments précisés par l'autorité civile, qui doit donc éviter les clauses de style et motiver sa décision en se fondant sur des éléments de fait objectivement vérifiables. Ainsi doit-elle s'attacher à préciser le nombre des participants, leur attitude, les slogans qu'ils profèrent (encouragement à la violence, par exemple), l'équipement dont ils disposent, notamment les armes, y compris les armes par destination. La qualification juridique de l'attroupement constitue donc une étape préalable à la décision de dispersion de l'attroupement par l'emploi éventuel de la force publique. »
Enfin, et ce point mérite d’être souligné, ce n’est qu’après sommation que le Code pénal réprime le fait de continuer volontairement à participer à un attroupement. Ce délit est prévu aux articles 431-4 et 431-5 du Code pénal. Ainsi, même pour une manifestation qui a fait l’objet d’une interdiction, le seul fait pour une personne de manifester n’est pas en soi sanctionnable - s’il n’est pas armé – s’il n’y a pas eu deux sommations préalables d’un commissaire de police muni de son écharpe tricolore.
Ce petit rappel juridique ne vise donc pas à donner de mauvaises idées, mais à rappeler ce que l’on est en droit de faire ou de ne pas faire sachant que la loi est susceptible d’être violée par ceux-là mêmes qui sont censés la protéger.
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