Combien de voitures brûlées au pays où l’ordre républicain est assuré ?
"L’ordre républicain sera assuré sans complaisance", déclarait, martial, Emmanuel Macron, le 31 décembre soir. Déjà, l’emploi du futur dans ce genre d’imprécation peut laisser entendre que ce n’est peut-être pas tout à fait le cas. Mais on ne va pas commencer l’année en faisant du mauvais esprit. On l'aura compris, cette mâle injonction visait, à l’évidence, les gilets jaunes tentés par la poursuite du mouvement. Pas les tenants de la coutume, désormais bien établie, de brûler des bagnoles durant la nuit de la Saint-Sylvestre. Combien de voitures incendiées, cette année ? L’an passé, dès le 1er janvier, le ministère de l’Intérieur annonçait 1.031 véhicules brûlés. Une précision de notaire qui nous convainc qu’on est vraiment gouverné par des professionnels.
Cette année, Christophe Castaner, très content de lui, signe un communiqué digne d’un bulletin de la Grande Armée. "Partout en France, les festivités ont pu se dérouler normalement et ont été exemptes de tensions notables et d’incidents graves, même si des incidents mineurs sont, comme chaque année, à déplorer : accidents de la route, incendies volontaires sur le domaine public, blessures par manipulation de pétards." Surtout pas de chiffres. L’expression "voitures brûlées" n’apparaît pas. On parle d’"incendies volontaires sur le domaine public". C’est plus long mais plus vague. Il est vrai qu’il n’y a pas que les voitures qui brûlent sur le domaine public : il y a aussi les poubelles.
Alors, combien de voitures brûlées dans le pays où l’ordre républicain est assuré sans complaisance ? Mystère et boule de gomme ! Le 1er janvier, Le Point s’est bien essayé à faire un bilan en collectant les différents chiffres glanés ici et là. Il a trouvé 568 voitures. Là aussi, une précision de notaire. 568 ? Deux fois moins que l’an passé ? Victoire ! L’Express, le 2 janvier, est plus vague et, finalement, plus prudent en titrant "Des centaines de voitures brûlées lors du réveillon". Il note, toutefois, que 277 véhicules ont été calcinés (rien qu') en Île-de-France : la moitié du chiffre annoncé la veille pour la France par son confrère du Point...
En tout cas, un rapide petit tour de France à travers la presse régionale semble bien nous indiquer qu’il n’y a pas eu le feu que sur les ronds-points, où les irréductibles gilets jaunes brûlaient des palettes pour se réchauffer.
"Marseille : une nuit de la Saint-Sylvestre relativement calme avec 22 voitures brûlées dans le département", selon France 3. Tout est relatif, on le sait. En Seine-Maritime, une nuit "classique", selon France 3 Normandie. "Classique" ? C’est-à-dire une vingtaine de voitures brûlées, entre les agglomérations de Rouen et du Havre. Le gars qui, en allant chercher le pain le matin, découvre sa chignole transformée en barbecue est heureux d’apprendre, en lisant le journal, qu’il s’agit de quelque chose de tout à fait "classique". Et puis, consolation, France 3 précise bien que ce chiffre d’une vingtaine de voitures est identique à l’an passé : quand la délinquance ne progresse pas, c’est déjà comme si elle reculait un peu, non ? Dans le Rhône, le département du ministre émérite de l’Intérieur, Gérard Collomb, justement retiré des voitures : une cinquantaine de voitures brûlées selon Le Progrès. Cinq à Vannes dans le Morbihan, selon Le Télégramme. Des petits joueurs, ces Bretons. Dix à Rochefort (Charente-Maritime), selon France Bleu La Rochelle. Mais c’était dans la nuit de dimanche à lundi, donc, ça ne compte pas dans le bilan. Dans l’agglomération de Bordeaux, une quinzaine d’après Sud-Ouest. Toulouse, "parmi les villes (françaises) les plus touchées", nous dit France 3 Occitanie : 43. La parenthèse pour nous rappeler peut-être qu'on vit à l'époque de la mondialisation ? Et puis, pour terminer en beauté, à Strasbourg : plus de 60 voitures brûlées, selon les Dernières Nouvelles d’Alsace. On en reste là ?
Heureusement que l’ordre républicain est assuré sans complaisance au pays de Macron et Castaner.
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