Macron doit annuler le grand débat et recevoir au plus vite les gilets jaunes

L'acte IX constitue une victoire pour les gilets jaunes. Ils étaient présents malgré les messages de fermeté du gouvernement mettant en garde contre de nouvelles violences. Christophe Castaner avait disposé, pour cela, plus de 80.000 membres des forces de l'ordre. Pourtant, ils étaient au moins 84.000, répartis sur tout le territoire français, à arpenter les rues ce samedi. Un chiffre toutefois bien en deçà de celui avancé par la presse régionale. En comparaison, samedi dernier, l'acte VIII n'avait réuni que 50.000 gilets jaunes. Si le ministère de l'Intérieur a fait état de 244 interpellations, il n'a pas donné le chiffre total des blessés - un simple oubli, sûrement.

La première conclusion que l'on peut tirer de ces actes cumulés est qu'après deux mois, la mobilisation ne faiblit pas, elle s'est même renforcée, une fois la période des fêtes passée. De même, le soutien de la population, même s'il s'amenuise, reste majoritaire, et pourtant, quelle propagande dans les médias, que de commerçants interviewés décrivant une situation cataclysmique, que de graphiques montrant les répercussions sur l'économie et combien de discours incendiaires du gouvernement !

La deuxième conclusion qui s'impose aujourd'hui est que nous avons deux forces qui se font face et qui ne se comprennent pas. Plus que jamais, nous avons aujourd'hui, d'un côté, le pays légal, de l'autre, le pays réel.

Le pays légal est actuellement déconnecté de la situation, il a beau dire qu'il entend les gilets jaunes, il n'arrête pas de les insulter et de les mettre en garde. Ce pays légal bénéficie de deux forces - la police et les grands médias - et d'une faiblesse - des ministres et des députés de sa majorité incohérents.

En face, le pays réel s'appuie sur une exaspération des classes moyennes et défavorisées arrivée à un point de non-retour. En effet, celles-ci ont vu leur situation sociale se dégrader progressivement ces quarante dernières années. Cette exaspération est perceptible à travers la vision négative de nos institutions. Selon le 10e baromètre annuel de la confiance du Centre d'étude de la vie politique (CEVIPOF), réalisé par l'institut OpinionWay, 88 % des Français ne font pas confiance aux partis politiques, 73 % des Français ne font pas confiance aux médias et 72 % des Français considèrent même qu'en règle générale, les élus sont plutôt corrompus. Enfin, souscrivant au combat des gilets jaunes, 55 % se déclarent prêts à participer à une manif pour défendre leurs idées. Bien évidemment, c'est Emmanuel Macron qui matérialise, tant par sa personne que par sa fonction, cette défiance historique, avec seulement 23 % d'avis favorables.

Aujourd'hui, un pouvoir illégitime essaye de sauver son avenir en louvoyant entre demi-mesures, annonces chocs mais floues et répression.

Que faut-il, au moins, pour atténuer ces antagonismes ? Car, ne nous leurrons pas, la fracture, elle, entre la France périphérique majoritaire et les soutiens bobos et européistes libéraux du Président, est irréductible.

Pour cela, il faudrait que Jupiter descende de son Olympe et reçoive une délégation de gilets jaunes. Il doit parlementer avec eux et entendre toutes leurs propositions, et notamment le référendum d'initiative citoyenne. Ce n'est pas le "grand débat" - enfumage d'État - qui peut redonner espoir aux gilets jaunes.

Certes, il avalera des couleuvres, mais c'est le seul moyen d'arrêter une révolte qui peut se transformer en révolution, voire en guerre civile. Si le Président reste sur son nuage protégé, s'il ne se résout pas à descendre dans l'arène, il continuera à être méprisé et traité comme il l'est tous les samedis. Ceci, jusqu’à ce que la lassitude et un ultime coup de boutoir craquelle son dernier soutien : les forces de l'ordre.

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J.-P. Fabre Bernadac
Ancien officier de Gendarmerie - Diplômé de criminologie et de criminalistique

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