Comment Emmanuel Macron va enterrer le « grand débat national »

pyramide d'Egypte

C’est décidément devenu une habitude, chez Emmanuel Macron, que de commenter la vie politique française dès qu’il est en voyage à l’étranger. Et ce, le plus souvent pour dire du mal des Français. On est l’homme de la rupture ou on ne l’est pas. En déplacement au Caire, il n’a donc pas failli à cette nouvelle et toute personnelle tradition républicaine, fût-elle contraire aux traditionnels usages.

"Je prend très au sérieux ce moment que nous vivons. Je ne sais pas aujourd’hui ce qu’il donnera. Ce que je sais, c’est que j’en tirerai des conséquences profondes", a-t-il donc déclaré. Non seulement ça ne veut pas dire grand-chose, mais, de plus, voilà qui a dû passionner son auditoire cairote. Poursuivant dans l’introspection, il ajoute : "Des convictions vont se forger dans les prochaines semaines et mois, qui impliqueront des décisions très profondes dans différents champs, pas uniquement telle ou telle mesure technique. Je le vois comme une nouvelle étape de la transformation de la France."

Pour anodins qu’ils puissent paraître, ces propos sont fort révélateurs de la psychologie d’Emmanuel Macron, en particulier, et de la politique de nos gouvernants, en général. Car si les mots ont encore un sens, voilà qui signifie que s’il entend les Français, il ne les écoute pas et que sa feuille de route demeure intacte : il faut continuer de « transformer » la France. La « transformer » en quoi et pour faire quoi ? La réponse est connue et c’est l’inusable mantra des gouvernements s’étant succédé au pouvoir depuis des décennies voulant que la France doive à tout prix s’adapter au nirvana de la mondialisation. En d’autres termes, il faut refaire le monde, alors que de plus en plus de nos compatriotes aimeraient surtout qu’il ne se défasse pas plus que de raison.

À ce titre, les gilets jaunes ne sont pas les premiers à exprimer ce doute existentiel ; avant eux, il y a eu la Manif pour tous. Les premiers se battent en grande partie pour la sauvegarde de leur mode de vie ; les seconds pour l’essence même de la vie. On sait ce qu’il est advenu des revendications de ces derniers. Après les avoir traité par le mépris, on a fait semblant de les prendre en compte, les noyant au passage dans des concertations d’experts, tous plus ou moins d’accord sur le fait que rien ne saurait entraver la marche du progrès et l’incessante quête de nouveaux droits.

L’actuel grand débat national, avec tournée des maires et des popotes en forme de monologue présidentiel, participe du même processus. Ainsi Emmanuel Macron précise-t-il que "l’objectif du grand débat est de donner un cadre aux colères et contestations", puisque "la délibération est plus “féconde” que le référendum qui “déchire”". Nous y voilà. Depuis l’échec de la consultation de 2005, relative à la Constitution européenne, il est de notoriété publique que donner la parole au peuple demeure un exercice à haut risque ; alors qu’un débat, grand ou petit, n’engage finalement à rien, surtout quand on en fixe l’ordre du jour, écartant tels ou tels sujets tenus pour trop délicats.

Comme si gouverner sans le peuple ne suffisait plus, il convient encore de le faire contre lui. Pour efficace qu’il soit, le stratagème commence à devenir de plus en plus voyant. La démocratie serait un véritablement un système idéal s’il n’y avait ce fichu peuple…

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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