11 février 1979 : proclamation de la République islamique d’Iran
C’est le 11 février 1979, il y a tout juste quarante ans, qu’est proclamée la République islamique d’Iran, décision qui sera entérinée par un référendum les 30 et 31 mars suivants. Cette proclamation marque le début d’une nouvelle ère pour ce pays qui, l’année précédente, a été la proie de nombreuses révoltes populaires. Monté sur le trône en 1953 après un coup d’État fomenté par la CIA et le MI6 (1), le chah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi (1919-1980), a en effet durci son régime dès 1978 devant la contestation d’une frange de la population manipulée par les religieux chiites, majoritaires dans cette partie du Moyen-Orient. Malgré la manne pétrolière, le pays peine à s’enrichir ; l’inflation galope, la corruption est omniprésente ; le pouvoir d’achat des classes ouvrières et des classes moyennes se dégrade, la répression des manifestations s’intensifie et les États-Unis du président Jimmy Carter (2) s’inquiètent des atteintes aux droits de l’homme…
En septembre 1978, le chah instaure la loi martiale et interdit toute manifestation. En réponse, une grève générale, alimentée, de son exil, par l’ayatollah Rouhollah Khomeiny (1902-1989), frappe le pays en octobre et de nombreux Iraniens bravent l’interdiction de manifester. La police tire sur la foule, tuant des personnes et alimentant l’aversion grandissante de la population pour le régime. Ce dernier est vite débordé et sent sa fin proche quand, le 12 décembre, près de deux millions d’Iraniens défilent dans les rues de Téhéran pour dénoncer la politique du chah. Malgré l’ordre donné par le chah de ne pas tirer sur la foule, environ 35 morts et 600 blessés sont à déplorer à Ispahan.
Le chah, rongé par la maladie, est contraint à l’exil le 16 janvier 1979 et, le 1er février, c’est au bras d’un steward d’Air France que l’ayatollah Khomeiny descend de l’avion qui le ramène après un exil de quinze ans en Irak et en banlieue parisienne, à Neauphle-le-Château (Yvelines). Des centaines de milliers de personnes l’accueillent en liesse sur le bord des routes. "Un délire collectif", comme le qualifie Roger Gicquel dans son journal de 20 heures sur TF1. Khomeini, turban noir des descendants du prophète vissé sur la tête, se rend au cimetière de Téhéran où il se pose en hélicoptère, car la foule est trop dense pour y accéder en voiture. Dans cette nécropole où ont été enterrées les victimes du chah des derniers mois, il fait un discours musclé : "C’est moi qui vais nommer un gouvernement […] je frapperai à la figure ce gouvernement ; je passerai tous ces gens en procès devant des tribunaux que je formerai moi-même [...]"
Khomeiny limoge le Premier ministre Shapour Bakhtiar (1914-1991) et le remplace par Mehdi Bazargan (1907-1995), un ingénieur nationaliste et islamiste, opposant de longue date au régime du Pahlavi. L’objectif est clair : contrer l’occidentalisation engagée par le passé et instaurer une théocratie à travers la loi islamique. L’ayatollah Khomeiny représente la puissante caste des religieux chiites, mais il n’est pas l’unique meneur du peuple. Il doit aussi compter avec le puissant parti communiste Tudeh et la mouvance de la gauche iranienne. À vrai dire, ce 11 février, le pays est au bord du chaos car chaque faction, religieuse et politique (libéraux, marxistes, anarchistes et laïques) tente de tirer son épingle du jeu. Surtout, les pénuries en tous genres progressent et l’insécurité explose. Comme à chaque révolution et changement de régime, on craint les vengeances, les règlements de comptes…
Les puissances occidentales perdent, dans cette révolution, un contrepoids au sein du Moyen-Orient. Israël perd un allié et, dans le monde musulman dominé par les monarchies sunnites, on commence à redouter la puissance du nouveau Marja-e taqlid, « source d’imitation, d’inspiration », autrement dit, le guide religieux suprême… L’Histoire leur donnera raison.
1 : opération Ajax
2 : aujourd’hui âgé de 94 ans et plus ancien président américain encore vivant
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