Livre : André Tardieu L’incompris, de Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet nous a gratifiés au cours des années passées d’ouvrages passionnants concernant l’immigration, entre autres ; il vient de nous livrer un ouvrage consacré à un personnage oublié : André Tardieu (1876-1945), dit "le Mirobolant" par Léon Daudet qui le détestait, fut trois fois Président du Conseil au tournant des années 1930 ; il fut aussi ministre d’État avant de mettre volontairement un terme à sa carrière fulgurante en 1934.

Élève brillantissime, il remporta une douzaine de prix au concours général de 1893 avant d’être reçu premier au concours d’entrée à l’école normale supérieure et à celui du ministère des Affaires étrangères. Il choisit les Affaires étrangères. Issu de la grande bourgeoisie parisienne, il demanda à être mobilisé dans l’infanterie, pendant la Première guerre mondiale. Il découvrit dans la boue des tranchées le peuple français, qui est alors très largement un peuple de paysans-soldats. De cette expérience, il conserva un indéfectible sentiment de fraternité pour ses compatriotes des classes populaires. Chroniqueur de politique étrangère au Temps, il sera remarqué par Clemenceau qui en fit un de ses conseillers à la fin de la première guerre mondiale. Plus tard, il devint un proche de Poincaré.
En 1934, dégoûté par la vie politique, celle des partis et des « politichiens » comme disait De Gaulle, il décida de se consacrer à la réflexion théorique et à l’élaboration d’un nouveau système politique, ce qui lui valut la haine de toute la caste politicienne. Il dénonça la veulerie des parlementaires, leur manque de perspicacité et leur pacifisme qui aboutiront à la défaite de 1940, leur petitesse et leur manque d’esprit patriotique. Il recommanda la création d’un pouvoir exécutif fort, le référendum d’initiative populaire et la plus extrême fermeté à l’égard du régime criminel des hitlériens. Toutes choses qui lui valurent des torrents d’injures mais qui influencèrent un certain Charles de Gaulle.

Tardieu avait bien compris que les vices de la IIIe République étaient liés aux dingueries idéologiques héritées de la Révolution française. Selon lui, la folie des révolutionnaires de 1789/1799 était liée à une hypertrophie de l’orgueil qui les conduisit à vouloir détruire tout ce qui avait été pensé et écrit avant eux. Il écrivit dans Le souverain captif publié en 1936 : "On a donc inventé l’homme naturel, naturellement bon et toujours perfectible. En lui prêtant, de naissance, les vertus qu’il s’agit de créer, on est sûr de ne pas se tromper. Cet homme primitif ne sera qu’une abstraction détachée du réel ; un signe algébrique toujours interchangeable. On ne lui connaîtra ni parents, ni famille, ni patrie. Il ne s’en prêtera que mieux à s’insérer dans les théorèmes, dont est formé le Contrat social…...Et voici que retentit l’étonnante apostrophe de Rabaut Saint-Etienne : ' Pour rendre le peuple heureux, il faut le renouveler, changer ses idées, changer ses lois, changer les choses, changer les mots : tout détruire ! Oui ! Tout détruire, parce que tout est à recréer'". La caste maladive qui nous dirige en est toujours là !

La grandeur de Tardieu, c’est d’avoir eu le courage de dénoncer l’idéologie révolutionnaire sans s’engager dans les impasses monarchiste et fasciste. Il me semble qu’il a raté de peu le chemin qui aurait pu l’amener à renouer avec le républicanisme pré-libéral, celui dont les racines profondes sont celles de la république romaine. Victime d’une attaque cérébrale, qui l’invalida terriblement, en 1939, il n’eut pas le temps d’achever la réflexion qui aurait pu le mener au néo-républicanisme, c'est-à-dire à un républicanisme exempt des miasmes de l’idéologie des Lumières et de celle des révolutionnaires de 1789/1799.

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