Les médias s’émerveillent du « printemps » algérien… romantisme ou hypocrisie ?
Depuis quelques semaines, les journaux et les télés s’ébahissent du « printemps » algérien, nous montrant à l’envi la décrépitude de son président, puis sa démission, et les foules qui applaudissent, et qui demandent, maintenant, la « fin de tout le système ». Mais ces journalistes ne savent-ils pas ce qu’est le « système » algérien ou font-ils semblant de ne pas le savoir ? À l’évidence, ils font semblant, car le système algérien n’est ignoré de personne.
Le système algérien est une junte, dont Bouteflika n’était pas le maître mais le porte-parole. Les spécialistes savent que divers clans s’y disputent depuis longtemps le pouvoir, trois principalement : la famille Bouteflika, les services spéciaux (le DRS) et l’armée. Mais plus que de se disputer le pouvoir, ces clans se le partagent. Et la méthode est très simple.
En effet, à part les hydrocarbures, qui représentent 97 % de ses exportations, l’Algérie n’exporte pratiquement rien, et importe une bonne partie de ses besoins : alimentaire, bâtiment, médicaments…
Le pays étant, par ailleurs, notoirement corrompu, ceux qui ont eu l’occasion de faire du commerce avec lui savent qu’il y existe des « guichets » derrière lesquels officient les membres de la junte, chacun se réservant tel ou tel produit : l’un contrôle l’import du lait, l’autre celui du blé, etc.
Dans un tel système, la production locale n’est évidemment pas encouragée, ce qui explique le peu d’appétence pour pousser les exportations hors du pétrole et du gaz. Nombre de pays africains fonctionnent de même : un petit producteur de poulets, par exemple, à quelques kilomètres de Brazzaville, n’aura jamais l’obtention d’une décision pour réparer la route vers ses potentiels marchés, puisque tant les services du commerce extérieur que les douanes de son pays ne recevront rien dans ce cas alors qu’ils s’enrichiront bien plus avec tous les passe-droits ou chausse-trapes qu’ils pourront mettre en place avec l’importation de poulets brésiliens. Tous ceux qui connaissent l’Afrique le savent, mais il ne faut pas en parler puisque l’Europe est un grand fournisseur de ces marchés et que, d’autre part, le statut de victimes de ces pays a été définitivement tranché par le discours sur la colonisation. Le « système » algérien est de cette nature.
Dans ces conditions, il n’y a aucune façon qu’il change. La junte n’a, d’ailleurs, aucun besoin de disposer du pouvoir politique puisque les principales familles, dont ses membres font partie, contrôlent, comme dans les économies du même type, l’essentiel de l’économie locale : banques, compagnies d’assurances, compagnies d’aviation, immobilier. Tout ce qui se fait passe de toute façon dans leurs mains.
Soljenitsyne disait : « Ce ne sont pas les revendications fortes qui font les révolutions, ce sont les régimes faibles. » L’Algérie n’est évidemment pas un régime faible, comme l’était celui de Ben Ali. Dans ces conditions, il n’y a aucune chance, ou presque, pour que « le système » dans son ensemble parte « dans le lac ». Les Algériens le demandent parce qu’ils l’espèrent, et personne ne peut le leur reprocher, mais au fond d’eux-mêmes, ils savent bien qu’ils ne peuvent y parvenir, tant celui-ci est verrouillé. Tout ce qui peut leur arriver de mieux, c’est que ce pouvoir dictatorial devienne plus intelligent et pense, comme Teng Hsiao-Ping en son temps, que le développement lui servira plus que la pénurie. C’est certainement ce que certains, au sein du pouvoir, doivent penser et tenter de faire.
Mais laisser croire aux opinions, via la presse dithyrambique, qu’un nouveau « printemps » est arrivé pour ces peuples, c’est une illusion romantique ou une hypocrisie, une information frelatée à destination de lecteurs ignorants ou naïfs. Le milieu de la presse n’étant pas très romantique, je pencherais plutôt pour le deuxième cas.
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