Ce Rassemblement national aveugle sur lui-même

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Boulevard Voltaire s'est honoré, depuis sa création, d'accueillir des dissidents de la droite LR qui voyaient les contradictions, les trahisons, les problèmes de ligne, de fonctionnement et de personnes de la droite dite « de gouvernement ». On se moquait d'eux dans leur parti et on leur montrait la sortie plein de mépris et d'assurance, tranquillement assis sur un magot électoral que l'on croyait inoxydable. Six ans après, ce parti est exsangue. La prophétie de ces dissidents s'est réalisée.

Mais ces dissidents, qui l'étaient au nom d'une certaine exigence, exprimeront la même exigence à l'égard du RN. Et le titre très juste de Gabrielle Cluzel sur ce parti LR qui ne méritait pas François-Xavier Bellamy se retourne comme un gant : le RN tel qu'il est mérite-t-il ces dissidents qui ont placé leurs convictions profondes et leur vision de l'avenir avant la fidélité aveugle à un appareil et à un chef ?

J'ai suffisamment agi et écrit, à mon petit niveau, pour accompagner et décrire ce mouvement de fond de LR pour m'autoriser, aujourd'hui, à dire aussi les limites du Rassemblement national telles qu'elles s'expriment dans nos familles et dans la société, limites qui expliquent son incapacité chronique à rassembler 50 % des électeurs, même dans un contexte favorable. Il serait regrettable que le RN imite LR en refusant de les entendre.

La première limite, c'est la question du leadership, liée à la fondation du parti et à la famille Le Pen. Un leadership d'où tout découle : recrutement des cadres, ouverture, alliances, crédibilité du projet économique et social. Dès lundi matin, Éric Zemmour, que les lecteurs de Boulevard Voltaire et les militants du RN adulent, le disait sans détours sur RTL : « Face à Macron, Marine Le Pen sera toujours battue pour des tas de raisons. D'abord parce que c'est elle. Ensuite parce que c'est son nom. Parce que ce sont ses limites propres. Et parce qu'ensuite le populisme ne sera vainqueur que s'il est incarné par quelqu'un d'autre qu'elle. » Il est parfois utile d'écouter Éric Zemmour.

La seconde, c'est l'illusion de la victoire. Dernier avatar du phénomène : cette « victoire » aux européennes de dimanche dernier. Dimanche soir, on faisait la fête au RN. D'ailleurs, on y fait la fête même quand on perd. Très vite, des voix plus perspicaces se sont élevées pour montrer les limites de cette « victoire » : on l'a dite « à la Pyrrhus » ici, « étriquée » là-bas. Les chiffres sont là : il y a cinq ans, le RN faisait 25 % et reléguait LR à 20 % et le PS à 14 %. C'était une configuration porteuse pour lui : un écart confortable et une réserve considérable. En 2019, avec la recomposition macronienne, l'écart est de moins de 1 % et le RN ne dispose plus de réserves. Qu'a fait le RN, pendant ce temps ? Il a continué à avancer comme avant, se contentant de changer de nom. Sauf qu'entre-temps, un certain Emmanuel Macron est passé par là. On n'est jamais mort, en politique. Mais il y a des occasions manquées qui ne se rattrapent pas. Surtout quand l'Histoire s'accélère et que l'inertie prévaut.

Le RN est juché sur un socle, assez inoxydable celui-là, de 20-25 %. Mais ce socle n'aimante pas. Un parti de gouvernement peut mourir d'une chute à 8 %. Mais un parti peut aussi ne jamais accéder aux affaires malgré un socle solide qu'il ne parvient pas à faire fructifier. Dans la chute LR, le RN, fort de son inertie, n'a joué aucun rôle : la maison LR s'est écroulée toute seule de ses vices internes de moins en moins cachés, aidée par Emmanuel Macron. Le RN a les siens, il serait temps qu'il les traite enfin.
L'inertie semble un atout à beaucoup au RN. Une autre personnalité pense comme eux : Emmanuel Macron.

Désormais, ce n'est plus le bal des rats LR apeurés fuyant leur bateau qui nous intéresse, un spectacle déjà vu cent fois, ni le sondage sur ce que doit faire ou pas LR, mais bien ce qui va bouger – ou pas – au RN : et là, ce serait vraiment un spectacle inédit.

Parole de dissident.

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