Ralliez-vous au panache blanc du chic à la française !
Il y a des moments qui aident à vous réconcilier avec le genre humain. Ils sont si rares qu’ils valent le détour. Ces instants sont comme des pépites brillantes dans la boue grise de la vie. Tous les ans, à la belle saison, un soir de juin, des milliers de Parisiens d’un soir ou de toujours, tout de blanc vêtus, se rassemblent pour le simple plaisir de dîner dehors dans un lieu public prestigieux de la capitale, resté secret jusqu’au dernier moment. Mais attention, tout le monde ne peut s’y rendre, il faut être coopté, sinon pourquoi en être ?
Enfin un lieu où la sélection se fait sur le bon goût, tout à la française ! Nappe en tissu blanc, couverts en argent et champagne ! Sésame indispensable : être spirituel, pas de rabat-joie et de mine grave. Le dîner en blanc est un événement très français, dans son esprit et son déroulement. Il faut être chic sans tape-à-l’œil, un peu snob tout en étant simple et bon enfant, avec un zeste de hardiesse et de débrouillardise pour apporter le nécessaire, s’installer sans formalité et disparaître en ne laissant aucune trace.
Sous cette apparente frivolité mondaine se cache une organisation quasi militaire pour braver les autorités, conserver le secret et déjouer les obstacles, qu’ils soient matériels, administratifs ou climatiques. C’est du grand art ! Un véritable pied de nez à la médiocrité. Tous ces efforts pour des bulles de champagne, une clandestinité jalouse pour de l’éphémère. L’acte gratuit et inutile, le panache pour le panache : il y a quelque chose de cyranesque dans le dîner en blanc. L’événement est si français qu’il est copié dans plusieurs grandes villes sur tous les continents - preuve que ce qui plaît à l’étranger est bien cet esprit français singulier, ingénieux et raffiné.
Ce dîner ne serait pas totalement français s’il manquait un élément indispensable : le dénigrement. Car il se trouve des mauvais coucheurs, mesquins, jaloux et hargneux, pour le décrier, et ce sont évidemment des Français ! Ces râleurs sont les absents, ceux que n’y ont jamais été conviés, et c’est bien fait pour eux, ils ne le méritent pas. Quand on se plaint, quand on ronchonne, on doit le faire à la française, avec impertinence, si celle-ci rime avec élégance.
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