École publique : la colère sourde des classes moyennes et populaires

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Sur le site Atlantico, Jérôme Fourquet commente avec pertinence un sondage sur le coût de l'éducation, réalisé par l'IFOP pour le Comité national d'action laïque. Il faut savoir que le CNAL rassemble des membres de la FCPE, de la fédération des délégués départementaux de l'Éducation nationale, de la Ligue de l'enseignement et de l'UNSA Éducation. Ces organisations, largement subventionnées, se donnent pour objectif commun d'« améliorer l'École publique et laïque, parce qu'elle est l'école de tous et la seule école libre ».

Il y aurait beaucoup à dire sur cette prétention à se présenter comme les défenseurs de la liberté scolaire, quand on se situe politiquement à gauche et qu'on ne manque pas d'a priori idéologiques. Ainsi, quand une question du sondage porte sur le coût moyen d'une année en classe préparatoire aux grandes écoles (15.760 euros) et qu'on le compare au coût d'un étudiant en faculté (10.330 euros) pour en conclure que le coût d'un élève de CPGE est sous-estimé, on se demande si l'objectif n'est pas de propager dans l'opinion que les classes préparatoires coûtent trop cher et sont inégalitaires.

C'est une idée récurrente, qui méconnaît les spécificités de ces classes. Elles accueillent des élèves sélectionnés sur leurs résultats scolaires, dont 30 % de boursiers. Non seulement elles dispensent, sur deux ans, plus d'heures de cours que les universités, mais leurs programmes sont beaucoup plus étendus. Les universités ne s'adressent pas au même public, n'exigent pas la même assiduité et n'ont pas la possibilité, dans les premières années, de rivaliser avec les CPGE.

Mais, au-delà de ces querelles de chapelle, le commentaire de Jérôme Fourquet porte sur la question de savoir si « l'école pourrait [...] devenir une cause de crispation sociale ». Va-t-on connaître, dans l'avenir, une protestation comparable au mouvement des gilets jaunes ? L'analyste politique ne l'exclut pas, tout en constatant que, même chez les classes moyennes et populaires, se mettent en œuvre des stratégies d'évitement. Des familles modestes cherchent à inscrire leurs enfants en dehors de leur secteur, pour obtenir un collège ou un lycée de meilleure réputation.

Les milieux les plus informés ou les plus aisés sont naturellement avantagés, mais tous cherchent à maximiser les chances de réussite de leurs enfants : contournement de la carte scolaire, choix stratégique d'options, recours à l'enseignement privé. Ces comportements sont la preuve qu'un nombre important de Français estiment qu'il n'y a pas de lien évident entre une école gratuite et une école qui permettrait l'excellence pour chacun. On retrouve donc, à travers cette enquête, une confirmation de la crise de l'enseignement public. Les Français perdent confiance en l'institution.

Selon Jérôme Fourquet, ce qui mettrait le feu aux poudres serait de faire rentrer le privé dans la sectorisation. Si les établissements privés, comme dans le public, ne pouvaient recruter leurs élèves que dans leur secteur, les parents n'auraient plus d'échappatoire. Ce fut, en 1981, la tentation du premier gouvernement de François Mitterrand, quand Alain Savary voulut créer un « grand service public unifié et laïque de l'Éducation nationale ». On sait comment cette entreprise échoua. Tous les Français sont sensibles à la liberté de l'enseignement, parce qu'ils veulent que leurs enfants s'en sortent le mieux possible.

Pour le moment, c'est du chacun pour soi. Ne serait-ce pas le devoir d'un gouvernement responsable de favoriser la liberté de choix des familles, tout en cherchant à égaliser le niveau des établissements vers le haut et non vers le bas ?

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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