La droite a encore un avenir dans les villes et métropoles…

Christian Jacob

À en croire les dernières élections, la droite n'aurait plus aucun avenir dans les grandes villes, dont l'électorat serait devenu, au mieux macroniste comme à Paris, au pire rouge écolo, comme à Grenoble. Et, depuis le naufrage de la liste LR aux européennes, les maires de droite trembleraient, hésitant entre un ralliement à LREM ou une campagne d'où le mot « droite » serait entièrement effacé.

La panique d'un Estrosi à Nice ou d'un Goasguen à Paris en est la risible illustration.

Cette vision d'une France binaire, partagée entre les métropoles aisées et macronistes et la France périphérique où le Rassemblement national prospère, si elle arrange bien les affaires des deux grands partis du moment, et si elle est corroborée par les analyses bien connues de Christophe Guilluy, est toutefois réductrice. C'est ce que montre une note fouillée de Nelly Garnier, publiée début juillet par la Fondation pour l'innovation politique, intitulée Allô Maman bobo. L'électorat urbain, de la gentrification au désenchantement.

Sa lecture est à conseiller à tous ceux qui, à droite – chez LR mais aussi au RN –, souhaitent comprendre et dépasser les limites de leurs performances électorales, leurs fameux « plafonds de verre ».

Le premier mérite de l'étude est de démonter le fantasme réducteur de l'électeur urbain bobo, qui serait à mille lieues des préoccupations de ceux de la France périphérique. En effet, si l'électeur urbain se caractérise bien par un niveau socio-culturel élevé, une plus grande ouverture culturelle, il n'en manifeste pas moins des inquiétudes réelles qui rejoignent celles de la France périphérique. Médiatiquement, c'est l'angoisse écologique qui est soulignée et habilement exploitée par ceux qui en font le commerce politique, mais l'étude montre que les questions du déclassement, de l'insécurité, du terrorisme et du communautarisme taraudent aussi l'électeur urbain car il les subit parfois de plein fouet. Nelly Garnier souligne, en particulier, les stratégies d'évitement scolaire. Voilà l'espace qui s'ouvre à la droite.

L'autre mérite de ce travail est de pointer la souffrance des urbains : non, le bonheur n'est pas dans la légèreté de la « street life » en trottinette. De nombreuses études pointent le désir de beaucoup d'urbains de quitter les métropoles, les angoisses liées à un certain déclassement des cadres, les équations famille-logement-travail difficiles à résoudre pour de plus en plus de ménages des métropoles.

Le verdict est sans appel : Paris n'est pas une fête pour tout le monde, le bonheur est dans le pré, d'une certaine façon, même pour les urbains, même à titre de rêve. Il y a là une piste pour une synthèse des droites des villes et des champs.

La droite aurait donc grand intérêt à renoncer au totem du « bobo », que ce soit comme repoussoir ou comme fantasme derrière lequel courir, et à investir franchement et sérieusement ces thématiques.

Vous l'avez compris, la droite n'a aucun intérêt à laisser les villes en jachère et à les abandonner aux « urban tribus » d'un Griveaux, d'un Jadot ou d'une Hidalgo dont tout le monde, y compris dans leur propre camp, mesure déjà les limites et les échecs. Ni à s'allier avec eux. Christian Jacob semble l'avoir compris. À l'origine exploitant agricole, élu de Seine-et-Marne - un département qui est en lui-même une synthèse de ces sociologies à concilier -, peut-il être, avec sa simplicité et son physique d'acteur, l'homme, ou tout au moins le catalyseur, de cette synthèse des droites des villes et des champs ?

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