Président Macron, Omar el-Béchir ne doit pas échapper à la justice internationale
Le 19 août 2019, devant un tribunal de Khartoum où il comparaît pour possession de devises étrangères, corruption et enrichissement illicite, l'ancien président du Soudan Omar el-Béchir a reconnu devant un enquêteur avoir reçu 90 millions de dollars en espèces de l'Arabie saoudite. Déchu depuis le coup d'État du 11 avril 2019, il fait toujours l'objet de deux mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) du 4 mars 2009 et du 12 juillet 2010 pour génocide et crime contre l'humanité commis au Darfour, jamais mis à exécution par les États où il avait été reçu, bénéficiant d'une protection irraisonnée de la communauté internationale, particulièrement africaine, qui doit maintenant prendre fin. Comment ?
D'abord, la Justice finit toujours par passer, et tant mieux si c'est un conflit interne au Soudan qui a fait chuter Omar el-Béchir, même si le nouveau pouvoir militaire soudanais refuse de le livrer à la CPI afin de répondre des crimes odieux qu’il a commis contre la population soudanaise du Darfour. On peut se demander si ce n'est pas une forme de reconnaissance de complicité de la part des dirigeants soudanais actuels que de tenir une telle position. Toutefois, les mandats de la CPI restent toujours valables.
Ensuite, l'ONU devrait aujourd'hui faire preuve de plus de pugnacité sur ce dossier afin que le Soudan livre Omar el-Béchir à la CPI, à l'issue de son procès national, même si le Soudan n'est pas un État membre. Peut-on imaginer que, compte tenu des présomptions actuelles qui pèsent sur lui, Omar el-Béchir puisse échapper définitivement à la Justice internationale ? Le président soudanais avait reçu, dès 2008, le soutien du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA) ainsi que de la Ligue arabe afin de faire pression sur la CPI pour qu'elle n'émette pas de mandats d'arrêt contre des responsables soudanais. Peine perdue. « De telles poursuites risquent, selon le CPS, de miner tous les efforts de paix accomplis dans la région. » L'UA rappelait que, dans sa résolution 1593 du 31 mars 2005, le Conseil de sécurité des Nations unies soulignait clairement la nécessité de promouvoir l’apaisement et la réconciliation. On peut légitimement se demander si, en essayant d'apaiser ainsi la situation, l'ONU, l'UA ainsi que la Ligue arabe n'ont pas, en fait, fortifié Omar el-Béchir dans son pouvoir aveugle contre les intérêts du peuple soudanais ? Mais, est-ce bien les intérêts des peuples qui importent ici ou plutôt l'intérêt de certains dirigeants africains les plus corrompus de ne pas inquiéter un des leurs ? L'ONU dispose, aujourd'hui, de l'occasion de se racheter et redorer son blason.
Il en est de même pour l'UA, la Ligue arabe et les États qui composent ces deux organisations qui, malgré l'obligation des États signataires du statut de Rome de la CPI, n'ont pas livré le président Omar el-Béchir, qui voyage régulièrement depuis 2009. Il n'a jamais été inquiété, comme en 2017 en Jordanie au 28e sommet de la Ligue arabe ou à l’occasion de sommets internationaux dans une quinzaine de pays dont plusieurs sont membres de la CPI (Tchad, Malawi, Kenya, Djibouti, RDC, Ouganda, Nigeria et Afrique du Sud). Pour la première fois, le 7 avril 2017, le gouvernement d’un pays membre, en l’occurrence le gouvernement sud-africain, a dû s’expliquer devant les juges de la CPI pour avoir refusé d’arrêter Omar el-Béchir en juin 2015, mais aucune sanction n'est prévue.
Enfin, on ne peut faire l'impasse, dans ce dossier, sur le poids et le soutien de l'Arabie saoudite au président Omar el-Béchir, démontré par les deux versements de 35 et de 30 millions de dollars du roi Abdallah et les 25 millions livrés par des envoyés de Mohammed ben Salmane, le prince héritier saoudien, pour être utilisés en dehors du budget de l'État, probablement en échange ou en reconnaissance de la participation de l'armée soudanaise à la coalition au Yémen.
Emmanuel Macron, très sensibilisé par les crimes contre l'humanité, comme chacun le sait, devrait se pencher davantage sur ceux commis au Darfour et faire pression sur son ami saoudien afin d'arriver à la comparution d'Omar el-Béchir devant la CPI.
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