Profs : en plus, leurs enfants réussissent mieux que les autres !

Lycee Louis-le-Grand

Voilà qui va faire enrager ceux qui se font encore une image caricaturale des professeurs : non seulement ils sont toujours en vacances ou en grève, non seulement, ils ne travaillent que 15 heures ou 18 heures hebdomadaires en lycée et en collège, 24 heures dans les écoles, mais, en plus, leurs enfants réussissent mieux que les autres ! Pour citer quelques exemples, le spationaute Thomas Pesquet, le Premier ministre Édouard Philippe, le champion cycliste Romain Bardet en font partie. Un privilège qu'il faudrait abolir ou la possession de recettes que beaucoup de parents pourraient partager ?

On a souvent tendance à penser que les enfants d'enseignants réussissent mieux leur scolarité parce que leurs parents connaissent bien le système éducatif, les bonnes filières, qu'ils ont plus de temps pour suivre leurs enfants ou qu'ils refont la classe à la maison. Bref, ils bénéficieraient de conditions favorables pour commettre des délits d'initiés. Ces clichés sont tenaces. Dans un ouvrage publié à la rentrée, Pourquoi les enfants de profs réussissent mieux, Guillemette Faure et Louise Tourret, journalistes spécialisées dans l'éducation, expliquent qu'il faut sortir de ces idées reçues.

Contrairement à l'opinion dominante, les parents enseignants s'intéressent moins à l'avenir scolaire ou professionnel de leurs enfants. Ils n'ont pas le réflexe, courant dans les milieux socialement privilégiés, de contourner la carte scolaire pour les inscrire dans un « bon » établissement ou dans l'enseignement privé. Ce qui les distingue de beaucoup de parents, c'est qu'ils font confiance à l'institution et aux professeurs, et que cette confiance se transmet naturellement à leur progéniture. Ce qui ne les empêche pas de critiquer des réformes ou des programmes sur lesquels le ministère ne leur a pas demandé leur avis.

Il est rare que les parents enseignants critiquent des professeurs devant leurs enfants, même s'ils n'en pensent pas moins sur le niveau ou le sérieux d'un certain nombre d'entre eux. Bref, ils valorisent l'enseignement et respectent les personnels. En outre, la plupart des professeurs donnent chez eux l'exemple du travail et de la curiosité. Quand des enfants voient, en rentrant à la maison, l'un ou l'autre de leurs parents préparer des cours, corriger des copies, chercher de la documentation, ils sont plus enclins à faire spontanément leurs devoirs et à apprendre leurs leçons.

Bien sûr, on trouve des exceptions à la règle. Il y a des professeurs fainéants, il y a aussi des enfants de professeurs qui ne réussissent pas à l'école. Les facteurs de la réussite scolaire sont nombreux : familiaux, culturels, sociaux, environnementaux, peut-être même, en partie, génétiques. L'objectif de l'école devrait être précisément de les réduire ou des les compenser, en garantissant le mieux possible, non pas « l'ascenseur social », selon la formule consacrée – comme s'il suffisait de monter dans l'ascenseur pour se promouvoir automatiquement –, mais la transmission d'un savoir et d'une culture qui permettent au maximum d'élèves d'acquérir leur autonomie et d'influer sur leur avenir.

C'est là que le bât blesse. La prétendue « démocratisation » de l'enseignement depuis l'invention du collège unique, la diminution des exigences qui ne cesse de s'étendre, le fétichisme du tronc commun et de l'hétérogénéité des classes, l'insécurité qui règne dans trop d'établissements, l'influence des lobbies pédagogiques font que l'école faillit trop souvent à sa mission d'instruction, au détriment des enfants des milieux socialement et culturellement défavorisés. Les professeurs, qui sont quotidiennement plongés dans le bain, sont peut-être mieux armés que d'autres pour protéger leurs enfants du déclin de l'enseignement.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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