11 novembre : quid des 50.000 Alsaciens-Mosellans tombés sous l’uniforme feldgrau ?

Ils furent 380.000 Alsaciens-Mosellans obligés de revêtir l’uniforme feldgrau pour aller combattre dans l'armée impériale du « Kaiser » entre 1914 et 1918.
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« Un p'tit forget-me-not pour mon oncle Martin,
Un p'tit Vergißmeinnicht pour mon oncle Gaston,
Pauvre ami des Tommies, pauvre ami des Teutons »
, chante en boucle sur mon iPhone l’irrévérencieux Brassens, une chanson que j’écoute un peu rituellement presque tous les 11 novembre en regardant une vieille photo un peu jaunie de mon grand-père en uniforme de la garde du Kaiser à Berlin. Un bien triste « privilège » que lui avaient valu sa grande taille et, last but not least, sa citoyenneté allemande après l’abandon, en 1871, par les Frenchies, de l’Alsace-Moselle à l’Allemagne.

Comme mon grand-père, né allemand par les aléas de l’Histoire, ils furent 380.000 Alsaciens-Mosellans obligés de revêtir l’uniforme feldgrau pour aller combattre dans l'armée impériale du « Kaiser » entre 1914 et 1918. Comme mon grand père (Jawohl, mein Kommandant), ils furent plusieurs milliers à tomber dans les tranchées de Verdun, de la Marne ou des Vosges - 50.000 Alsaciens-Mosellans ont été tués et 29.000 blessés -, « soldats oubliés de la Grande Guerre », sans que cette année, encore, aucune cérémonie en ce 11 novembre ne tienne compte de leur mémoire... Circulez, il n’y a rien à rajouter… Dans toutes les communes de France, il est demandé aux maires par le préfet de rendre hommage aux « poilus », « morts pour la France ». Fermez le ban…

Disons-le tout net : ce cérémoniel immuable – comme, par exemple, la seule lecture de lettres de poilus et même la « Marseillaise » - semble, à l’heure européenne, pour le moins incongru en terre alsacienne et mosellane, eu égard à la réalité vécue par nos aïeux. Dans un courrier au président de la République, l’association Unsri Gschìcht (Notre Histoire) demande que soit prise en compte, le 11 novembre, la spécificité historique de l’Alsace en invitant les maires des trois départements concernés « à organiser dans leurs communes une commémoration » plus respectueuse de « l'histoire singulière de l'Alsace et de la Moselle ».

C’est ce que fait chaque année, depuis son élection, Pia Imbs, maire de Holtzheim, une commune proche de Strasbourg où, de son côté, Unser Land déposera une gerbe aux couleurs de l’Alsace (rouge et blanc) devant le monument aux morts de la place de la République. Il est vrai qu’en ce 11 novembre, l’endroit et sa symbolique s’y prêtent à merveille : le monument de la place de la République représente, en effet, une mère qui pleure ses deux fils agonisant sur ses genoux, l'un regardant en direction de la France, l'autre vers l'Allemagne. Ils sont tombés après avoir combattu l'un contre l'autre mais, devant la mort, leurs mains cherchent à s’unir. L'absence d'uniforme rend le drame de Strasbourg et de l'Alsace encore plus pathétique. La seule inscription sur le monument (« À nos morts ») mériterait d’être reprise sur tous les monuments aux morts. La patrie reconnaîtra les siens…

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José Meidinger
Journaliste - Ancien grand reporter à France 3 Alsace, il passe son temps entre l’Alsace et la Grèce.

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