Guerre au Sahel : l’enjeu

Opération_Barkhane

Le chef d’état-major des armées, François Lecointre, a déclaré : « Si nous laissons le chaos s’installer, les États sahéliens vont s’effondrer sur eux-mêmes, laisser la place à l’État islamique, ce qui provoquera une pression migratoire sur l’Europe, avec tous les risques populistes que cela entraînera. » On observe dans cette phrase un enchaînement logique : la lutte contre les rebelles islamistes sahéliens protège les États fragiles de cette région. Si ceux-ci étaient renversés par les islamistes, il y aurait de nombreux réfugiés en Europe et une réaction populiste des peuples européens. Mais on remarque aussitôt que cette logique est plus politique que militaire et désigne le populisme comme danger ultime. Le « populisme » est un adversaire politique du pouvoir français que le général Lecointre devrait servir, si les Français lui confiaient le destin du pays. Ce n’est pas un risque mais un choix démocratique. C’est la volonté du peuple de faire entendre ses priorités comme souverain légitime d’une démocratie. Qu’il veuille préserver son identité et s’opposer à l’invasion migratoire est un choix légitime et non un danger qui justifierait curieusement qu’on s’oppose au djihadisme, comme péril secondaire.

« C’est maintenant, dans l’année qui vient, que se joue l’avenir du Sahel », a ajouté le général Lecointre, annonçant qu’on allait passer à la vitesse supérieure, et se montrant pessimiste si la solution politique favorisée par la maîtrise militaire du champ de bataille n’apparaissait pas au cours de cette année « charnière ». Or, la situation au Sahel a de quoi rendre pessimiste. Sur le plan militaire, les armées des États du Sahel, à l’exception de celle du Tchad, peut-être celle de la Mauritanie, récemment formée et équipée et qui a remporté des succès sur le terrain, ne sont pas capables d’affronter les djihadistes. Les moyens que l’armée française déploie dans le cadre de l’opération Barkhane sont sans proportion avec l’enjeu : 4.500 hommes, 200 blindés, 6 avions de combat, une vingtaine d’hélicoptères et quelques drones. Par ailleurs, au Mali, la MINUSMA intervient au nom des Nations unies, notamment pour maintenir l’ordre et la sécurité dans les villes et soutenir le gouvernement légitime. Elle mobilise 16.000 hommes, essentiellement des militaires et des policiers venant de près d’une cinquantaine de pays, avec une dizaine de gros contributeurs, dont des pays d’Afrique francophone, du Sahel en particulier, et, il faut le souligner, un millier d’Allemands. La France n’est pas seule, mais c’est elle qui assure les missions les plus dangereuses pour entraver, au nord du Mali et au Niger, le passage des armes et des combattants depuis la Libye. La France déplore 41 morts depuis l’opération Serval, la MINUSMA, 198. Peut-on espérer des résultats définitifs sur un territoire de près de 5 millions de km2, dont 1,2 pour le seul Mali, alors que l’ennemi qui ne comprend que quelques milliers de combattants est véloce et furtif, bénéficie de soutiens dans la population et utilise les antagonismes tribaux ?

Sur le plan politique, la fragilité des États issus d’une décolonisation menée au pas de charge est un handicap considérable. Le Mali, le Niger, le Tchad ont leur capitale au sud de pays immenses dont les populations sont diverses et souvent opposées, comme les Touaregs du Nord et les Bambaras de Bamako, sans compter les Peuls au Mali. Bâtir des démocraties libérales dans un tel contexte est une illusion. La présence d’armées étrangères dans ces pays musulmans dont les peuples ont appris de leurs gouvernements souvent corrompus que tous leurs malheurs venaient de la colonisation présente un risque majeur : celui d’un basculement de la population. Des manifestations ont déjà visé les troupes françaises.

Si l’espoir d’assurer la consolidation des gouvernements dans cette région du monde doit demeurer modeste, il y a une priorité stratégique qui peut, seule, mettre fin au djihadisme : il faut rétablir le verrou que constituait la Libye de Kadhafi. Celui-ci avait des visées d’expansion qui nous avaient amenés à le combattre au Tchad, mais il s’opposait aux islamistes et contrôlait la marqueterie tribale de son pays.

L’intervention en faveur de ses ennemis, notamment les Frères musulmans de Misrata, a été plus qu’une faute. Il est indispensable que la Libye retrouve un régime fort sur l’ensemble de son territoire. C’est la clef de la pacification du Sahel !

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Christian Vanneste
Homme politique - Ancien député UMP, Président du Rassemblement pour la France, Président de La Droite Libre

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