Alexandre Langlois : « Le gouvernement laisse faire les fauteurs de troubles pour ne pas que l’on parle du fond du sujet »
À l'occasion de la quatrième grande journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites, Boulevard Voltaire a rencontré, en marge de la manifestation, Alexandre Langlois.
Le policier explique les raisons de la mobilisation des policiers, également concernés par cette réforme. Il y aborde aussi le profond malaise de ses collègues et réagit à l’actualité : maintien de l'ordre, attentat de Villejuif, mort du chauffeur-livreur lors du contrôle routier.
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On est toujours mobilisé contre cette réforme des retraites, mais pour un système plus juste pour tout le monde. Lors de ses vœux, monsieur Macron a déclaré qu’il souhaitait que les gens viennent à la table des négociations du moment que son projet passe sans aucune contestation. Cela pose problème. On espère que toutes les organisations syndicales, notamment celles de la police iront jusqu’au bout. Il serait bien qu’elles se réveillent et qu’elles se rendent compte qu’elles sont manipulées.
Le DG de la Police nationale fait valoir son droit à la retraite avec plusieurs années d’avance.
Cela vous étonne-t-il ?
Il part en retraite anticipée. Avec un peu d’humour, pour éviter de subir la réforme, il préfère l’anticiper trois ans avant sa retraite. Il part à 62 ans en pleine forme, alors que l’âge pivot à l’heure actuelle est de 64 ans. Nous demandons sa démission depuis quasiment 1 an. Par conséquent, le fait qu’il démissionne pour partir en retraite ne nous pose pas de problème.
110 de nos collègues se sont suicidés depuis qu’il est en fonction. Il a supervisé les élections professionnelles au sein de la Police nationale, on y découvre d’ailleurs une fraude massive.
Il a refusé de dialoguer avec certaines organisations syndicales associatives, alors qu’il invitait des organisations syndicales minoritaires comme le syndicat SCCI de la CFDT. Ces organisations sont davantage en accointances avec ses idées et servaient de SAV à ses propositions.
Le mouvement des Gilets Jaunes a été très mal géré. Tellement de choses se sont passées qu’il était bien qu’il parte. Il se vantait de ne pas être policier. Bon débarras. Son choix de démissionner dans un contexte où on a besoin d’un capitaine de navire ne fait que montrer la réelle facette de cet homme.
Nous n’allons pas aller le chercher un samedi après midi en pleine manifestation comme l’ancien préfet de police, monsieur Delpuech.
On vous entend souvent critiquer la hiérarchie de la police. N’avez-vous pas l’impression de vous acharner de manière excessive ?
On n’a rien de particulier contre Christophe Castaner ou quelconque membre de la hiérarchie, mais contre la gestion de la police et de ce qu’ils en font.
Les membres de notre syndicat estiment que nous sommes policiers. Nous devons donc prévenir des crimes et des délits de tout le monde. Si on commençait par les nettoyer dans notre propre hiérarchie, ce serait un bon début. Nous aurions une police républicaine exemplaire. Nous devons avoir un casier judiciaire vierge, alors que nos députés et nos élus n’ont pas ce besoin. Cela pose un problème de dérive. Dans tous les Codes de déontologie, il y a un rappel de l’article 40 de procédure pénale. Ce denier rappelle que lorsqu’on a connaissance d’un crime ou d’un délit, on doit immédiatement en informer la justice.
Dans la Police nationale, cet article n’est pas rappelé dans notre Code de déontologie. Pour avoir dénoncé des falsifications de chiffres de la délinquance et un détournement de fonds public en bande organisée, je me suis fait exclure de la Police nationale.
Il y a une dérive et une inversion des valeurs. C’est complètement aberrant pour une institution qui doit être garante des libertés de tout le monde et être exemplaire.
Ce n’est donc pas une lutte contre des personnes, mais bien une lutte pour la justice et pour le respect du Code pénal. Cette lutte ne se terminera pas, car nous sommes policiers.
Après six mois de suspension, vous réintégrez les rangs de la police. Jusqu’à la prochaine exclusion ?
J’avais été exclu pour les motifs que je viens d’évoquer, pour avoir dénoncé les agressions sexuelles d’un médecin de la police et pour avoir dénoncé le management délétère et proche du harcèlement. Ce dernier a conduit aux suicides de nos collègues. À l’époque, 24 suicides avaient été dénoncés depuis que DG avait pris ses fonctions. Aujourd’hui, nous en sommes à 110. Finalement, les faits nous donnent raison.
J’ai repris mes fonctions le 6 janvier au renseignement territorial. Je ne sais pas pour combien de temps. Cela dépendra de monsieur Castaner et du temps qu’il mettra pour passer un coup de téléphone pour me faire faire mes six mois de sursis. L’été dernier, pendant que les gens étaient en vacances, le gouvernement a passé une nouvelle loi permettant à tous les chefs de service de la fonction publique y compris les policiers d’exclure temporairement n’importe quel fonctionnaire pour trois jours sans aucun motif. Ensuite, pour faire valoir nos droits, cela prend deux ans.
Dans mon cas, ces trois jours d’exclusion me permettraient de faire sauter mon sursis. Mon ministère n’est plus à une illégalité près.
Attaque de Villejuif, mort de Cédric…La police est au cœur de l’actualité…
Concernant le cas de Villejuif, nous sommes sur un cas de terrorisme. Notre syndicat l’avait dit dès le début et les faits nous l’ont confirmé. Une fois de plus nous avions raison. Nos collègues ont dû tuer cette personne en état de légitime défense pour protéger des vies. C’est le rôle des policiers. Nous pouvons faire usage de la force légitime pour protéger des vies. C’est ce qu’ils ont fait et on peut saluer leur sang froid et leur courage. Ils ont permis d’éviter un massacre plus généralisé.
Nos collègues nous ont informés que la femme de cet homme voulait venir au tribunal armée d’un couteau pour préméditer un crime ou un délit. La seule réaction est apparemment de la surveiller.
Dans le Code pénal, lorsqu’une personne prépare un crime ou un délit, nous pouvons l’interpeller pour éviter de réagir le jour J dans l’urgence.
Pour le cas du chauffeur livreur, c’est autre chose. Quel que soit le contexte, lors d’un contrôle routier, il est toujours malheureux d’avoir un mort si la personne n’est pas armée.
Nous ne sommes pas dans un cadre de terrorisme. Il n’y avait ni de rébellion avec arme ni de mise en danger des gens autour. L’enquête nous dira la suite.
Dans les écoles de police, on nous apprend la méthode de monter sur le dos. Cette méthode peut causer de l’asphyxie. Dans la Police nationale, quand nos collègues n’utilisent pas les méthodes préconisées et apprises à l’école de police et dans les cycles de formation, ils sont ennuyés. On leur dit « vous n’avez pas fait les gestes professionnels prévus par nos bureaucrates ».
Nos collègues vont avoir une enquête faite par l’IGPN. Elle sera une fois de plus juge et partie. On n’aura pas réellement la réalité et la vérité. Nos collègues seront soit sacrifiés pour le besoin de l’opinion publique, soit sauvés pour sauver les fesses de notre hiérarchie, mais en aucun cas pour faire vérité sur l’action de nos collègues sur le terrain.
Tant que nous n’aurons pas mis en cause ces formations, qu’on n’aura pas revu le système et qu’on nous dira « si vous voyez qu’une formation peut être dangereuse, on vous autorise à utiliser d’autres méthodes plus performantes, moins dangereuses et plus adaptées à la situation », nos collègues seront obligés d’exécuter ce qu’ils ont appris à l’école de police. Une fois de plus, personne ne pense à faire le procès des bureaucrates qui proposent ces formations et qui nous obligent à utiliser ces méthodes sur le terrain.
On s’oriente vers une scène habituelle. Des manifestants pacifiques, des groupuscules violents et une police au comportement parfois dangereux. Est-ce devenu une habitude ?
On peut toujours espérer que les manifestants soient entendus. Même si les organisations syndicales qui bénéficient d’un maintien de l’ordre organisé notamment pour le mouvement des Gilets Jaunes, le maintien de l’ordre ne donne pas les ordres d’interpeller les fauteurs de troubles, les délinquants et les criminels qui s’infiltrent dans les cortèges. Tant que cela ne sera pas fait, toutes les manifestations sont appelées à déborder et à laisser ces images catastrophiques pour ne pas qu’on parle du fond du sujet.
En revanche, on note une grande confiance de notre ministère. La manifestation se termine à Saint Augustin à quelques centaines de mètres de la place Beauvau et de l’Élysée. C’est beau d’en arriver là. On espère que les négociations vont pouvoir aboutir et qu’on pourra avoir une réforme des retraites qui permet à tout le monde de vivre dignement. Même si l’espérance de vie augmente, l’espérance de vie en bonne santé ne bouge pas. Tout le monde a envie de retourner à ces activités. Nous policiers qui sommes à la fois concernés par le régime des retraites et devons assurer la sécurité de la population sur les manifestations, nous aurions quelque chose en moins à gérer. C’est à nos politiques de faire leur travail.
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