Festival de Cannes : Spike Lee président du jury, pour « sortir de la norme euro-centrée blanche »

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Il va falloir s’y faire : il n’y a rien, désormais, qui puisse échapper au communautarisme, c’est-à-dire au morcellement de notre monde en groupes d’intérêts de plus en plus restreints, arqués sur leurs « souffrances » à jamais irréparables et dont ils réclament le paiement.

Moralement sommées d’y répondre, les institutions tombent dans le piège les unes après les autres. Qu’importent, alors, la valeur ou le talent, c’est le positionnement politique sur fond de revendication victimaire qui devient le critère de sélection des personnalités. C’est pourquoi le Festival de Cannes 2020 aura pour président du jury le réalisateur Spike Lee.

Entendons-nous bien, ce n’est évidemment pas l’homme de cinéma, souvent primé à Cannes, qui suscite des interrogations, mais les raisons avancées par la direction du festival pour lui confier cette mission. Thierry Frémaux l’a dit, mardi matin, sur RTL : il est là « parce qu’il est noir ». On aurait cru, pourtant, que sa filmographie était suffisante, mais non. « Le regard de Spike Lee est plus que jamais précieux », « Cannes est une terre d’accueil naturelle et une caisse de résonance mondiale pour ceux qui (r)éveillent les esprits et questionnent chacun dans ses postures et ses convictions », a déclaré Pierre Lescure, le président du festival, dans son communiqué.

Comprenez que ça va secouer : « La personnalité flamboyante de Spike Lee promet beaucoup », disent nos éminences. On a déjà un avant-goût de la chose, le nouveau président du jury publiant un communiqué où, se disant « honoré d’être la première personne de la diaspora africaine (États-Unis) à assurer la présidence du jury de Cannes et d’un grand festival », signe en ces termes : « Paix et Amour, Spike Lee, République du peuple de Brooklyn, New York. » Un État dans l’État, donc, sur des bases strictement raciales…

Enfin primé aux Oscars 2019 pour BlacKkKlansman (Grand Prix du Festival de Cannes 2018), histoire d’un policier noir ayant infiltré une cellule du Ku Klux Klan à la fin des années 1970, il avait fait cette déclaration : « Nous sommes en 2019, et cela fait tout juste 400 ans que nos ancêtres ont été dérobés à la Mère Afrique, et amenés à Jamestown, en Virginie, pour être esclaves. […] Ce soir, je salue nos ancêtres qui ont bâti ce pays, et qui ont connu le génocide de son peuple. Si nous nous connectons à nos ancêtres, nous gagnerons l’amour, la sagesse et retrouverons notre humanité. Ce sera un grand moment. L’élection présidentielle 2020 est toute proche. Mobilisons-nous ! Soyons tous du bon côté de l’Histoire, choisissons l’amour au lieu de la haine, faisons ce qui est juste. »

Réalisateur plus qu’un autre militant « fervent défenseur des minorités et des femmes » et tout particulièrement des Noir(e)s, donc, Spike Lee a baptisé sa société de production 40 Acres & A Mule Filmworks, soit « 40 acres et une mule », titre de la promesse de réparation votée pour les esclaves libérés et assez peu respectée.

On me pardonnera, mais à titre personnel, je ne me sens absolument pas comptable de tout cela. À titre national et collectif non plus, d’ailleurs. Sans doute, voilà 400 ans, mes propres ancêtres ramassaient-ils, pour se nourrir, les grenouilles dans les fossés du château seigneurial et les châtaignes au fond des bois de Sologne. Je les remercie de m’avoir offert la vie et ça s’arrête là !

Ce qu’on appelle communautarisme est, en fait, l’expression d’un tropisme, un travers qui consiste à gratter sans cesse ses plaies (réelles ou préfabriquées) pour les raviver. Au bout du compte, ça n’apporte ni la paix ni l’amour – deux mots que Spike Lee a tatoués sur ses phalanges – mais bien le ressentiment et la haine.

Spike Lee président du jury pour sa filmographie, oui, bien sûr. Mais Spike Lee président du jury parce qu’il est noir, non !

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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