Michel Corriaux : « Cette crise révèle un échec cuisant de la politique pénale dans notre pays ! »
Michel Corriaux est secrétaire régional Grand Est du syndicat Alliance police nationale CFE-CGC. Il est interrogé par Boulevard Voltaire au sujet des émeutes qui se sont déroulées en plusieurs endroits en France malgré le confinement.
Des échauffourées ont eu lieu à Strasbourg, la nuit dernière. Que s’est-il passé ?
Cette nuit, plusieurs individus se sont mis en scène et ont jeté des cocktails Molotov contre une annexe de la mairie de Strasbourg avec, en message de fond, un soutien à « Villeneuve-la-Garenne ». Il ne s’agit évidemment que d’une ineptie complotiste destinée à inciter à la haine et à la violence envers les forces de l’ordre qui, elles, deviennent aujourd’hui dramatiquement banales. Cette vidéo est devenue rapidement virale, mais à ce stade, il ne s’agit que de l'initiative d’un groupe d’individus et nous espérons évidemment, contrairement à ce qui est recherché ici, qu’elle ne fasse aucun écho à Strasbourg et, plus largement, dans le Grand Est et le territoire national.
Ce genre de situation semble s’intensifier sur le territoire : est-ce le cas ? Que révèle cette crise ?
Incontestablement, principalement en région parisienne, plusieurs agressions criminelles très lâches organisées envers nos collègues par de petits groupuscules s’opèrent à différents endroits. Certains voyous sans scrupules, malgré le contexte national dramatique qui devrait appeler à la solidarité dans tous les territoires de la République, occupent leur confinement à affronter la police nationale. C’est inadmissible et inacceptable mais, malheureusement, pas étonnant pour nous ! En dehors des débats sociétaux qu’il ne m’appartient pas de commenter ici, je crois, à mon niveau, que cette crise révèle un échec cuisant de la politique pénale dans notre pays. Notre organisation syndicale Alliance police nationale le martèle depuis de très nombreuses années : il est urgent de réaffirmer l’autorité de l’État et de ses représentants dont, en première ligne, les forces de sécurité ! Or, nous n’avons pu que constater, ces dernières années, par les réformes ou décisions des gardes des Sceaux successifs, que c’est tout le contraire qui s’opérait ! Le constat est sans appel pour nous : des dizaines de milliers de peines non exécutées, des peines alternatives aux condamnations, des rappels à la loi successifs et de nombreux mois de sursis ont démontré toute leur inefficacité pour lutter contre ce sentiment d’impunité constant ! Le silence actuel assourdissant de l’État, aujourd’hui, ne fait malheureusement que renforcer notre sentiment. À ce jour, le seul signal en matière de justice qui a été donné est la libération de milliers de délinquants pour désengorger le milieu carcéral ! Le temps est pourtant au courage politique qui nous fait tant défaut depuis de trop nombreuses années en matière de politique pénale !
Comment percevez-vous l’issue de cette crise sanitaire ?
L’heure n’est pas à la polémique pour nous car nous nous concentrons sur la gestion de cette crise dans un contexte, vous l’avez compris, également particulièrement difficile pour les policiers. Mais évidemment, nous ne pouvons que faire part de notre scepticisme sur une réelle volonté de nos gouvernants de « changer les choses » ! La police nationale traverse une crise sans précédent. Il ne faut pas oublier notre mobilisation quotidienne face au terrorisme ou face aux gilets jaunes. Il ne faut pas oublier, non plus, nos suicides, qui ont atteint un nombre tragiquement historique l’année dernière dans nos rangs. La souffrance de notre profession est à son paroxysme. Chaque année, nous payons humainement un très lourd tribut. Un trop lourd tribut ! Nous avons trop souvent l’impression d’être abandonnés pour de mauvaises raisons politiques. Mais nous continuerons à nous battre sans relâche pour l’amélioration de nos conditions de travail et pour que les policiers soient davantage défendus par la République grâce à une politique pénale qui s’impose.
Entretien réalisé par Maud Protat-Koffler
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