Déconfinement : et l’amour, dans tout ça ?
Force est de constater que le confinement anti-Covid-19, qui a pris fin, en France, le 11 mai dernier, laisse encore des traces, notamment en milieu urbain. Il suffit, pour s'en convaincre, de se promener dans la capitale : même si les beaux jours approchent, le Parisien n’est pas vraiment d’humeur à la fête. Pas de Roland-Garros ni de Festival de Cannes... La société du spectacle habituelle est devenue intégralement sanitaire, les médecins stars continuant encore de diffuser leur morgue et leurs injonctions morales. Dans ce climat, il faut bien que des policiers de Paris soient sommés d’admonester des badauds en mal d’interaction sociale et d’ivresse collective, par exemple sur l’esplanade des Invalides, le soir du 20 mai.
De plus, le bilan humain de ce Covid-19 [plus 325.000 morts et plus de 5 millions de cas dans le monde, à ce jour] continue d'alimenter les chaînes info, en dépit du fait que la distanciation (sociale) – art contemporain de l'oxymore oblige ! – creuse inlassablement la fracture culturelle. Curieusement, la modernité poursuit sa marche en arrière : les réseaux sociaux ont inondé les têtes bien faites à coups de selfies et vidéo-clips sans que personne ne se parle franchement, sans fioriture ni émoji. Par ailleurs, le maintien de la fermeture des bars, restaurants, bistrots et boîtes de nuit a du sens hygiéniquement, mais aucun humainement : quand humain ne veut plus dire social, voilà encore une contradiction de notre temps. En effet, nous ne parlons pas tant d'amour au sens sexuel que d'amour au sens social.
Car, à vrai dire, la deuxième vague épidémique ne sera pas tant économique que sociale, et même sexuelle. « Vous parlerez d'amour quand il aura mangé », comme le disait Apollinaire. En l’occurrence, notre beau pays, celui du vin et du bon vivre, peut-il se réjouir de vivre à l'asiatique, masqué et gélifié comme un Japonais ? À n’en point douter, l’angoisse, dans la mesure où celle-ci est toujours savamment cultivée, est le pire ennemi de l’amour.
Nous entendons par là ce que Schopenhauer entendait par vouloir-vivre : juste de quoi survivre, telle une plante ou un animal. Concrètement, l’après Covid-19 ne se résume pas seulement par la célébration du télétravail, mais surtout par la lente disparition des rapports humains, au nom de la numérisation progressive des esprits. Dans cette perspective, l’Homme, telle une femmelette, bats ses œufs pour se rendre fier d’être une (h)omelette. Il semble si prompt à se faire programme.
Depuis déjà des années, il y a des applications qui permettent de rencontrer un partenaire de jeu en tout lieu et à n’importe quel moment, tout en notifiant le pourquoi de la connexion/relation. Quatre catégories pour mieux choisir autrui : #Sérieux, #Ce soir, #On se prend pas la grappe ou #Sexfriend. Connaître quelqu’un consiste ainsi à le manger des yeux. On fait son marché au lieu de naturellement se disséminer. Pour autant, attention aux virus et autres maladies ! Mais réjouissons-nous : quand nous serons des robots ou des humains transgéniques, aucune bactérie ni aucun virus n’auront d’effets sur nous.
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