Démission présidentielle ?
L’information de la possible démission de Macron a couru les salles de rédaction, la semaine dernière. Elle a été apportée par Le Figaro. Le démenti de l’Élysée n’est pas très convaincant : le président « n’écarte aucune hypothèse, mais celle de la démission n’a jamais été à l’ordre du jour ni même évoquée dans une réunion à l’Élysée ». Samedi, selon Le Parisien, le Palais confirmait : « Le président de la République n'a jamais évoqué sa démission. » L’avenir nous le dira. Quoi qu’il en soit, il est légitime de s’interroger sur les éléments d’une telle « hypothèse ».
Démissionner : « Décider de ne plus exercer une fonction », dit le Larousse.
Déserter : « Cesser d’assurer, abandonner », explique le même dictionnaire.
La différence est tellement ténue qu’elle est invisible à l’œil nu. En général, on parle de désertion dans l’ordre militaire et de démission dans l’ordre civil.
Selon le Code de justice militaire (art. L321-3), déserter en temps de paix, tout en restant en France, vaut trois ans de prison. En revanche, la loi ne pénalise pas la démission.
Le projet que l’on aurait prêté au président de la République de démissionner pour s’assurer une réélection tranquille soulève plusieurs questions.
D’abord, il est « chef des armées » (Constitution de 1958, art. 15). On peut, dès lors, se demander s’il ne relève pas, fût-ce moralement, du Code de justice militaire et s’il ne doit pas s’astreindre aux mêmes obligations. Ce code précise (art. précité) : « Est déclaré déserteur […] tout militaire qui […] refuse de rejoindre sa formation. » Une démission de sa part serait bien un refus de rejoindre l’Élysée, d’assurer son poste et sa charge.
Ensuite, il faut remarquer que rien n’interdit à un Président de démissionner. Au civil, la loi prévoit que, lorsque la volonté de démissionner est « claire et non équivoque » – ce qui ne ferait aucun doute en l’espèce –, l’employé démissionnaire ne peut pas réintégrer l’entreprise. En d’autres termes, une démission est irréversible. Pour revenir éventuellement sur sa démission, le salarié doit obtenir l’accord de son employeur. Continuons la comparaison avec le civil : l’employeur du président de la République, c’est le peuple ; une élection présidentielle victorieuse vaudrait « accord de l’employeur ». Juridiquement, la manœuvre tient la route et n’est pas attaquable devant le Conseil constitutionnel.
Reste l’éternel débat entre légalité et légitimité. Quelle crédibilité pourrait-on accorder à un élu qui manipulerait ainsi l’électeur pour le seul motif de sauvegarder son intérêt personnel en s’assurant quelques années de plus de pouvoir ? En effet, et a contrario, si son motif pour démissionner est « le bien du pays », alors le type est en poste, il détient le pouvoir et n’a pas besoin de cette pantomime pour gouverner et montrer ce qu’il sait faire. S’il démissionne et est réélu, à qui peut-on faire croire que c’est pour conduire une politique radicalement différente de celle d’aujourd’hui ?
De quelque côté que l’on se tourne, une démission de Macron suivie d’une nouvelle candidature pourrait être qualifiée de forfaiture ou, tout au moins, d’immorale et certainement d’illégitime.
Nos pondeurs compulsifs de lois, de décrets et de normes seraient bien inspirés d’ajouter un codicille à notre Constitution : « Un élu démissionnaire ne peut pas prétendre retrouver son poste par une nouvelle élection. » Cette mesure serait valable aussi bien pour le président de la République que pour le plus humble des conseillers municipaux.
« Gouverner autrement », se vantait Macron pour attirer le gogo. Et si l’on commençait maintenant ? Chiche !
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