Sur le sujet de la victoire russe sur les nazis, Éric Zemmour a tort
J’apprécie énormément Éric Zemmour dans ses prises de position sur l’identité française, la civilisation chrétienne, mais il a parfois, sur certains sujets, des avis tranchés et un peu rapides, notamment sur l’Histoire dont il manifeste pourtant une très grande connaissance. Ce 25 juin, sur CNews, il a été interrogé sur la célébration, par les Russes, de la victoire de 1945 sur l’Allemagne nazie. Pour lui, c’est simple : les Soviétiques ont gagné la guerre, les autres alliés n’étaient que des supplétifs. C’est, du reste, le point de vue de M. Poutine, dont on peut comprendre les motivations. Mais lui ! M. Marchais n’aurait pas mieux dit. Alors, qu’en fut-il vraiment ?
Rappelons d’abord que Staline était l’allié de Hitler depuis septembre 1939 jusqu’au début de l’attaque allemande, en juin 1941. La France s’est même, un moment, posé la question de savoir s’il fallait lui déclarer la guerre. Il a contribué à l’effort de guerre allemand, envahi conjointement avec elle la Pologne, attaqué la petite Finlande (qui, ensuite, s’est naturellement trouvée du côté allemand), félicité Hitler lors de l’entrée des Allemands dans Paris. Ensuite, il a dû payer le prix des purges sanglantes exercées par lui dans l’Armée rouge dans les années trente (plusieurs dizaines de milliers d’officiers, surtout officiers supérieurs et généraux). Les faiblesses résultantes du commandement ont aggravé une situation qui n’a pu être sauvée in extremis que grâce au sacrifice de masses de soldats russes et, aussi, à l’effort colossal de soutien matériel des Anglais et des Américains, qui ont consenti des pertes importantes pour les livraisons à l’URSS, car ce sont leurs marines qui les effectuaient : plusieurs centaines de milliers de matériels majeurs, jeeps, camions, chars d’assaut, chasseurs, bombardiers, munitions, denrées diverses, etc.
Rappelons, ensuite, que les opérations menées par les alliés de l’Ouest n’ont pas joué qu’un rôle supplétif en Afrique, en Italie et en France. Et en Allemagne, car le matraquage aérien incessant de l’industrie allemande pendant près de quatre ans n’a été le fait que de leurs aviations. L’aviation soviétique a été quasi inexistante dans le ciel allemand. En outre, le Royaume-Uni, toujours invaincu en 1941, a immobilisé une partie des forces allemandes à l’Ouest.
Rappelons, enfin, que même quand les choses allaient mieux pour lui, Staline s’est gardé de porter des forces sur l’Asie où, pourtant, ses alliés américains étaient aux prises avec le Japon, qui n’était pas non plus un mince adversaire. Il n’est intervenu qu’après le premier largage de la bombe atomique sur Hiroshima.
En fait, il s’en est failli de peu que les Russes soient battus ; et peut-être ensuite nous avec.
L’évocation du nombre effrayant de victimes russes de ce conflit suffit, en général, à occulter tout le reste et à interdire de parler de « détails » indécents. Mais n’oublions pas, non plus, que si ce triste bilan doit beaucoup aux envahisseurs allemands, il a aussi été aggravé par le mépris de Staline pour la vie humaine qui a eu aussi sa traduction sur les champs de bataille.
La victoire de 1945 est celle de tous les alliés.
Sur ce sujet, M. Zemmour a tort.
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