Repentance, agenouillement : le pouvoir de dire non

algérie

Le nouveau président algérien réclame encore des excuses. Il est bien bon de ne pas exiger qu’elles soient remises par notre Président en personne, genou en terre, comme font les Blancs américains devant leurs compatriotes plus colorés, et des Blancs français devant qui le demande et même ne le demande pas.

M. Macron, lors d’un voyage en Algérie en 2016, a parlé de « crime contre l’humanité » : difficile de faire plus fort, mais cela ne suffit pas au pouvoir algérien. Nous lisons souvent, ici ou ailleurs, des mises au point et sur la conquête, entreprise pour mettre les pirates barbaresques esclavagistes hors d’état de nuire, et sur la colonisation dont les bienfaits sont supérieurs aux méfaits, sur la décolonisation avec le massacre des harkis et les nombreux échecs ensuite, qui font émigrer en masse les Algériens. Mises au point nécessaires et inutiles à la fois : nécessaires pour nos compatriotes qui ne savent plus rien de l’Histoire et tout à fait inutiles pour les Algériens.

Me revient une discussion avec une collègue, plus toute jeune, professeur agrégé, qui ignorait que l’Afrique du Nord avant la conquête arabe était majoritairement chrétienne, s’étant convertie au fil du temps, sans violence… Augustin, Cyprien et Tertullien ne lui disaient rien, non plus que la conquête arabe, non plus que l’historien arabe Ibn Khaldoun et les Beni Hilal.

La vérité n’a aucun rôle dans la demande : c’est pure question de pouvoir. Réclamer toujours plus est une caractéristique majeure des relations dominant-dominé. On le sait dans les couples, dans les fratries, les cours de récréation, les entreprises, tous les groupes où il s’agit de savoir qui s’imposera (« Tu vois, le monde se divise en deux catégories. Ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses »). Il ne suffit pas toujours d’avoir vaincu, d’être physiquement ou statutairement reconnu comme le plus fort, encore faut-il l’emporter moralement : le meilleur moyen de confirmer sa victoire consiste à exiger toujours plus de signes d’obéissance et de soumission et, finalement, à n’avoir même plus à exiger. Plus le vaincu s’agenouille, plus il se convainc de sa culpabilité ou de son infériorité, de son insignifiance, même. Sinon, il ne pourrait plus vivre.

De grands romanciers (comme Balzac) ont montré ces mécanismes psychiques que nous voyons à l’œuvre aujourd’hui. Aux États-Unis, on a déboulonné tel ou tel personnage historique : qu’à cela ne tienne, nous allons en faire autant même sans qu’on nous le demande. En Allemagne, à Hambourg, un pasteur a proposé de mutiler la statue de Bismarck : « C’est extrêmement important, pour que la monumentalité et la force de ce monument soient brisées. » Idée intéressante : briser la force du monument, donc s’humilier de son propre mouvement, s’enorgueillir de sa faiblesse. Un journaliste français ne rêvait-il pas, en 2016, de « raser Versailles » pour « ne pas cultiver la grandeur de la France » ?

Il faut dire que, depuis la Seconde Guerre mondiale, nous autres Européens avons un sacré entraînement, éduqués que nous sommes dans la repentance, baignant dans la macération de nos crimes et d’autant plus encouragés à le faire qu’il faut glisser sur tous les crimes des régimes communistes et autres. L’Allemagne au premier chef et l’Italie, mais aussi les autres décrétés coresponsables. Demandons-nous, d’ailleurs, si ce mépris, cette haine de soi n’expliquent pas en partie la chute des naissances, un refus de continuer des lignées de « criminels », comme une offrande faite au dieu de la vengeance dont profitent non pas les victimes initiales mais Turcs (en Allemagne) et autres immigrés en Europe.

Il ne s’agit donc plus de simplement nous éclairer sur l’histoire véritable de l’esclavage et de la colonisation, et de nous plaindre de l’injustice, mais d’accepter le combat et de revendiquer à notre tour.

Un exemple ? Le rocher de Gibraltar, Djebel Tariq (la montagne de Tarik), tire son nom du premier envahisseur arabo-musulman de l’Espagne : réclamons qu’il soit débaptisé et revenons aux Colonnes d’Hercule ou, pour dénoncer l’esclavage barbaresque, nommons-le mont Cervantès !

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Olga Le Roux
Professeur

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