Le charme désuet du ventilateur
« Chercher la fraîcheur à tout prix », il a dit, Olivier Véran, ministre de la Santé. Aller, zou ! mets-moi donc le ventilateur à fond. Ah non, pas le ventilateur ! Et pourquoi ? Parce qu’il « va brasser du virus et l’envoyer sur toutes les surfaces, le masque ne protège pas suffisamment et, donc, les ventilateurs sont proscrits dans une pièce où il y a du monde », qu’il a dit encore, le docteur Véran. Bref, ça va c… dans le ventilo !
Et faut croire qu’ils s’y connaissent drôlement en brassage d’air, au gouvernement. Mais au fait, c’est quoi, « une pièce où il y a du monde » ? À partir de combien de personnes ? On aimerait savoir car, ce soir, justement, on a « du monde » à dîner. Le docteur Véran a réponse à tout : pas pareil lorsqu’on est à la maison, en famille, que lorsqu’on est une centaine de personnes dans un établissement. C’est ça qu’est bien, avec ce virus : il s’adapte selon les lieux, sait faire le distinguo. Un virus intelligent, en quelque sorte. Aux quatre coins de la pièce, qu'on va le retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle, si c’est au restaurant, par exemple. À la maison, en revanche, pas pareil. Pendant la sieste crapuleuse à l’abri des persiennes, vous pouvez y aller à fond, sur le ventilo. À en couvrir le cri des cigales, qui s’excitent non loin sur les pins parasols du jardin, et pas qu'à en couvrir le cri des cigales, d'ailleurs. Tombez les masques et tout le reste, si vous voulez. Tut tut tut, on se calme, pas le moment de faire monter la température inutilement. Faut chercher la fraîcheur à tout prix et « éviter toute activité intense », qu’il a dit, encore, le ministre-docteur, spécialiste en ventilation.
Ce qui m’étonne, dans tout ça, c’est que personne n’ait encore avancé l’argument imparable, pour proscrire le ventilateur, que cet engin a un côté diablement – d’aucuns diront délicieusement - colonial, genre Coup de torchon ou saloon de western avec tout plein de cow-boys à la John Wayne, transpirant sous leur grand chapeau, après une journée à chasser le bison ou courir sus aux Indiens, vous voyez. Je suis même étonné que l’on trouve encore à vendre, sur Internet, des ventilateurs de plafond « style colonial », comme ça, sans qu’une association ad hoc n’ait appelé à proscrire ces appareils, symboles de tout ce que vous savez. Mais cela ne devrait tarder.
Ce qui m’étonne, aussi, c’est qu’avec cette recherche de « la fraîcheur à tout prix », les défenseurs de l’environnement ne montent pas plus que ça au créneau contre cette promotion éhontée de la climatisation faite par Olivier Véran : « La climatisation ne pose pas de difficultés… », a-t-il dit. Pour les humains, par rapport au virus, s’entend, bien entendu. Et la planète, il en fait quoi, de la planète, le ministre ? Pas de réaction des écolos ? Ils doivent être au frais, en train de faire la sieste.
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