La folie punitive de notre République

Laetitia Avia

On peut toujours compter sur la députée Laetitia Avia pour proposer des textes dangereux pour la liberté d’expression ou, quand on a échappé au péril de son maladroit activisme, pour amplifier un vice français que l’on pourrait nommer comme étant de la folie punitive.

Cette dernière gangrène tellement notre vie politique et parlementaire qu’il ne serait pas excessif de qualifier notre République de reine de la législation et, en même temps, de modèle de l’inexécution.

Par exemple, quand Laetitia Avia a élaboré un amendement pour doubler les peines maximales pour l’emprisonnement et les amendes au cas d’injures racistes, d’incitations à la haine, d’apologies ou de négations de crimes contre l’humanité, elle est assurée d’avoir un assentiment quasiment mécanique d’une partie de son camp.

Pourtant ? cette folie punitive est aberrante à plus d’un titre et on sait qu’en général, on m’a rarement imputé le grief d’être un laxiste.

Mais l’essentiel n’est pas de doubler les peines, dans une sorte de fuite en avant cherchant à donner l’illusion d’une action, mais de faire appliquer celles largement suffisantes qui régissent la matière infiniment délicate de la pensée, des écrits ou des paroles dévoyés. On ne touche pas, sur un mode précipité et compulsif, à ce domaine qui doit être abordé avec prudence et sérénité. Ce n’est pas la bienséance de la morale qui doit le gouverner mais l’utilité opératoire des dispositions.

Cette folie punitive non seulement est inutile et dangereuse mais elle a pour conséquence perverse de donner bonne conscience au législateur qui s’abandonne à une éthique stérile et de transmettre le fardeau à des juges qui déjà, la plupart du temps, n’usent pas dans sa plénitude de la répression qu’ils peuvent édicter.

Cette perversion conduit à une véritable escroquerie intellectuelle et sociale puisqu’elle va jeter, dans l’espace démocratique, comme un espoir ce qui en réalité ne pourra être qu’une désillusion.

Ce qu’on doit exiger de la représentation nationale n’est pas de se vautrer dans le prurit d’un extrémisme qui, pour être teinté d’un humanisme abstrait, n’en est pas moins préjudiciable à la cause qu’il prétend servir. Mais, dans le respect de l’indépendance de la Justice et du caractère singulier de cette délinquance – elle est de l’immatériel sans lien avec la matérialité et l’importance de la délinquance ordinaire et dévastatrice du quotidien -, de s’en tenir à cette cohérence : avant d’inventer une législation ou de compléter inutilement celle qui existe, se demander si l’univers judiciaire qui serait chargé de sa mise en œuvre en a besoin.

À cette interrogation, la réponse sera à tout coup négative.

Mais la folie punitive n’est pas faite pour être efficace. Mais pour satisfaire aisément et confortablement l’ego de ceux qui en abusent.

La folie punitive contre la rigueur nécessaire.

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Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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