Trump et la cancel culture : le pire de la gauche idéologique contre le pire de la droite idéologique

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C’est une guerre de Sécession qui menace la planète, ou du moins l’Occident, cet univers consumériste qui se croit parvenu au sommet de l’évolution. En fait une involution dramatique auprès de quoi les guerres d’hier ne seront rien.

Les positionnements sur le cas de Donald Trump, la censure dont il est l’objet et le sort qui l’attend sont, à ce propos, tout à fait révélateurs. À son image, conforme à ce qu’il a toujours prêché lui-même, il faut être « avec lui ou contre lui ». Pas de milieu, aucune distance, rien que de l’affect. De la colère. Du ressentiment. Du mépris. De la haine. De la frustration. Soit tout ce qui brouille la raison et assimile l’objectivité des faits à de la trahison.

L’Amérique, hélas, est depuis bientôt un siècle le modèle inspirant du Vieux Continent, la préfiguration jamais démentie des déviances qui nous guettent. En tête des maux qui ont traversé l’Atlantique et bouleversé en profondeur nos sociétés : la tyrannie du politiquement correct et ses corollaires que sont les théories du genre et les délires raciaux. Autant de sujets qui pèsent aujourd’hui sur le fonctionnement des universités, infusent dans le monde scolaire en général et sont devenus la norme qui range les individus dans le camp du Bien ou du Mal sans que jamais ils puissent plaider leur cause : les réseaux sociaux sont devenus les tribunaux où la peine de mort est sans appel. Et ce sont les condamnés virtuels qui se l’appliquent eux-mêmes !

C’est l’histoire de Mike Adams, professeur de criminologie à l’université de Wilmington, en Caroline du Nord, qui s’est suicidé en juillet dernier et dont l’histoire – banale ? – était évoquée, la semaine passée, par Brice Couturier dans « Le Tour du monde des idées », sur France Culture.

Mike Adams avait un goût pour la polémique et, péché aujourd’hui mortel, l’ironie très mordante. Autrefois, on aurait dit qu’il avait de l’esprit, mais ces temps ne sont plus. C’est son ami Greg Lukianoff, responsable d’un site consacré aux libertés universitaires, qui a publié un long article de réflexion sur ce cas hélas exemplaire.

Recruté par l’université de Wilmington en 1993, à l’époque « athée et de gauche », Mike Adams s’était « converti au christianisme après avoir fait la connaissance d’un condamné à mort », conversion qui avait conditionné « son adhésion aux thèses conservatrices », notamment sur l’avortement. Malgré des appréciations excellentes sur son travail, l’université refusa sa titularisation. S’ensuivirent sept années de procès et une victoire finale pour le polémiste.

« Tant qu’il a limité ses tribunes à la presse conservatrice, Mike Adams a pu continuer à exercer librement ses fonctions », nous dit-on, mais « les choses se sont gâtées lorsqu’il a commencé à utiliser Twitter pour se moquer de ce qui l’énervait ». Jusqu’au crime commis le 28 mai dernier quand, hostile au confinement, il écrit : « Ne fermez pas les universités, ou alors fermez les départements non essentiels comme les études féministes. » La polémique enfle jusqu’au crime suprême : une nouvelle blague, cet été, sur Twitter, à propos du confinement. Mike Adams interpelle le gouverneur de Californie du Nord par ce negro spiritual connu : « Let My People Go ». Scandale ! Aussitôt, des pétitions exigent son renvoi de l’université.

Courageuse, celle-ci a alors payé cher pour le mettre à la retraite anticipée mais Mike Adams « n’a pas supporté d’être désigné à la fureur publique comme raciste et misogyne ». Il s’est tiré une balle dans la tête le 23 juillet.

« Moi-même, j’ai été bien près de me tuer », écrit son ami Lukianoff. « C’était en 2007, dans les tourmentes de la guerre culturelle qui déchire l’Amérique. Si vous n’avez jamais été pris entre les feux croisés du pire de la gauche idéologique et du pire de la droite idéologique, vous ne pouvez pas comprendre. » Les derniers jours de Trump nous en donnent une idée…

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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