Bruno Le Maire veut financer la reprise avec les économies générées par le Covid
Si on excepte les étudiants privés de petits boulots et certaines catégories socioprofessionnelles comme les restaurateurs et leurs employés mis au chômage, les revenus de la grande majorité des Français n’ont pas été impactés par la crise sanitaire. Les fonctionnaires ont continué à être payés, même quand ils ne travaillaient plus, les salariés en chômage partiel ont été indemnisés à 100 % par l’État et les employeurs. La crise a été payée aux deux tiers par les comptes publics et au tiers par les entreprises.
Or, comme les restaurants ont fermé six mois en 2020, les magasins trois mois, comme on doit rentrer chez soi avant 18 heures, comme les vacances sont impactées voire supprimées, les Français font des économies forcées, qu’ils accentuent d’autant plus qu’ils ont peur de l’avenir, du chômage et d’un méga krach économique qui se rajouterait à la crise sanitaire. On estime qu’en moyenne, les ménages de l’Hexagone mettent désormais de côté 276 euros par mois depuis mars 2020 : le double de l’épargne d’avant crise ! Le total de ces économies s’élèverait à 200 milliards pour 2020 et 2021 (dont 130 pour 2020). Or, cette somme est le montant exact qu’a coûté la crise sanitaire pour nos finances. Elle représente 8 % du PIB de la France, soit l’équivalent des 8,3 % de PIB perdu en 2020.
La tentation est donc grande de vouloir utiliser une partie du magot des Français pour financer la reprise. Bruno Le Maire aimerait que 100 milliards pris sur les économies des Français se rajoutent aux 100 milliards du plan de relance qu’il a prévu. Mais il y a peu de chances pour qu’il soit entendu.
En effet, les Français déposent leurs nouvelles économies sur des placements liquides, type Livret A, même si le rendement est faible ; certains stockent des billets chez eux ; ils redoutent un tsunami bancaire et la faillite en cascade des banques. Les Français fuient les assurances-vie, les obligations d’entreprises, la Bourse ou les investissements en actions. Convaincre nos compatriotes d’investir dans des entreprises ou des PME est quasiment mission impossible, tant la défiance est grande et que la peur de tout perdre est grande. Beaucoup de Français, même modestes, ont au cours de leur vie investi en Bourse et vu cette épargne brusquement s’effondrer lors d’un des innombrables krachs qui ponctuent la vie du CAC 40. On ne les reprendra pas deux fois !
Bercy a lancé des produits labellisés « relance » et qui doivent contenir, dans leurs fonds, des titres de PME, tout en respectant l’environnement, mais ceux-ci, comme leurs nombreux prédécesseurs, ont et auront un succès modeste. Il faudrait que se mettent en place des investissements en actions au capital garanti par l’État pour vaincre cette méfiance légitime. Les Français se prêteront au jeu s’ils sont sûrs de ne rien perdre et de gagner éventuellement. Le gouvernement peut aussi multiplier dans un certain nombre de domaines les aides, comme celles qui servent à acheter des voitures propres. On envisage, également, la distribution de chèques aux plus fragiles pour acquérir des produits alimentaires locaux ou bio.
Bien sûr, reste la manière forte : instaurer un prélèvement forcé sur la nouvelle épargne des Français, mais aucun gouvernement n’osera employer cette méthode autoritaire.
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